« Skandinavien ! » • Yrian Lykke
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 « Skandinavien ! » • Yrian Lykke

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Yrian Lykke.
Yrian Lykke
Messages : 215
« Skandinavien ! » • Yrian Lykke  Vide
MessageSujet: « Skandinavien ! » • Yrian Lykke    « Skandinavien ! » • Yrian Lykke  EmptyLun 29 Nov - 19:10

(Encore désolé du dérangement, mais doué comme je suis, j'ai abusé sur la longueur. -_- Quel crétin)


Yrian Lykke



Âge: À cette époque, on ne sait jamais précisément notre âge. Yrian a compté vingt-six hivers depuis sa naissance.
Origine: Yrian vient de cette jolie contrée qu'est la Scandinavie.
Rang Social: Yrian est ce qu'on appelle un métèque, un étranger. Il s'est installé à Athènes il y a plusieurs années, si bien qu'il a eu le temps de suivre l'évolution vers la démocratie. Il s'en fiche un peu, car n'étant pas citoyen, il ne participe donc pas à la vie politique de la cité. Qui plus est, il ne considère pas Athènes comme sa patrie et peu lui importe comment est dirigée la ville, du moment qu'il peut vivre sa petite vie tranquille. Bien qu'ayant été élevé dans une tradition monarchique et élitiste, qu'il ne rejette, la démocratie l'amuse et il se demander sincèrement comment cette drôle d'histoire va se terminer.
Quel Dieu vénéré ? Pourquoi ? Si Yrian croit volontiers à la mythologie scandinave, il ne vénère aucun dieu en particulier parce qu'il considère qu'aucun d'entre eux ne l'a protégé, ou aidé, ou favorisé de quelque manière que ce soit, alors qu'il est évident que son père avait reçu le soutien des dieux. Pourquoi pas son fils ? Yrian est un peu rancunier à ce sujet. Quant aux dieux grecs, Yrian n'y croit pas du tout. Il pense que les Grecs n'ont pas compris ce qu'est véritablement un dieu.
Craignez-vous la colère des Dieux ? Bien sûr qu'Yrian craint la colère des dieux ! Il craint même simplement les dieux tout court. Il pense que ce sont eux qui l'ont amené dans la délicate situation où il est aujourd'hui. Selon lui, il a déjà dû s'attirer la colère des dieux à sa naissance, mais il ne sait comment.
Yrian Lykke
QUELQUE CHOSE OU...

Taille : 172 centimètres.
Corpulence : Yrian est quelque peu chétif. Il n'est pas très grand et pas des plus musclé. Néanmoins, il reste assez bien proportionné.
Couleur des cheveux : Sombre.
Coupe de cheveux : Depuis qu'il est en Grèce, Yrian porte les cheveux courts, en contradiction avec la tradition guerrière de son peuple. Yrian marque ainsi la séparation et l'écart avec celui-ci.
Couleur des yeux : Bleue
Couleur de peau : Yrian, du fait de ses origines, a la peau claire, bien qu'elle soit un peu plus bronzée depuis qu'il vit en Grèce.
Style vestimentaire : Il n'est pas très original. Yrian a abandonné les fourrures et les habits traditionnels scandinaves pour porter des vêtements plus légers qu'il trouve sur les marchés grecs. Son style reste très sobre et très basique, avec très peu de recherche, mais Yrian accorde assez peu d'importance à son physique, qu'il n'apprécie guère.
Bijoux : Yrian est très intrigué par les bijoux grecs. Il porte seulement un petit bracelet en argent qu'il a acheté d'occasion sur un marché.
Armes : Yrian a abandonné toutes les armes depuis qu'il a décidé de s'installer, mais il garde tout de même sous la main les dagues avec lesquelles il a voyagé, car il serait sot de se retrouver sans défense.



QUELQU'UN.

Pseudo et Âge: Un-certain-nom, une quinzaine d'années
Sexe: ♂
Célébrité choisie: Adam Brody (la galère pour trouver quelqu'un qui aille à peu près avec le style de l'époque. Vous en connaissez beaucoup, vous, des gens qui se promènent avec une armure de fourrure ?)
Comment avez-vous connu le forum ? Comment le trouvez-vous ? Par mon frère Néoptolème (qui s'est d'ailleurs inspiré de moi pour ce prénom). J'aime beaucoup la Grèce antique, c'est ce qui m'a bien plu. Par contre, ça m'a beaucoup gêné, avoir un avatar star. J'ai vraiment galéré pour en trouver un. x)
Présence: : 0/7 Mouahahah ! Vous êtes prévenus.
Code du règlement ? Ok by Orion Attis

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Yrian Lykke.
Yrian Lykke
Messages : 215
« Skandinavien ! » • Yrian Lykke  Vide
MessageSujet: Re: « Skandinavien ! » • Yrian Lykke    « Skandinavien ! » • Yrian Lykke  EmptyLun 29 Nov - 19:11




IL Y A FORT LONGTEMPS...
Souvenirs, souvenirs...

« Eh, Lykke, viens par ici ! »

Je me détournai de ma chope de bière pour regarder le grand gaillard qui me faisait. Le qualifier de grand était même un euphémisme. Il était vraiment géant, avec une barbe blonde géante, des cheveux blonds coiffés en des tressés géantes, des yeux plus que géants... C'était un véritable colosse. Je le connaissais un peu. Il s'appelait Horn et était considéré comme l'un des guerriers les plus prometteurs de notre génération. Rien d'étonnant vu sa taille. Il pouvait se battre avec aisance avec les armes les plus lourdes et les plus destructrices, leur poids n'était pas gênant pour lui, il les soulevait à une main quand la majorité des mortels en nécessitait deux. Mieux valait ne pas le contrarier. Et le voilà justement qui me faisait signe à l'autre bout de la taverne. J'abandonnai ma chope à regret et j'allais le rejoindre en trainant les pieds.

« Fais pas cette tête, Lykke ! J'vais pas te demander d'jouer au cobaye, t'sais. »

Il s'esclaffa alors. C'était une blague excellente à son goût. Pour ma part, elle me rappelait plutôt des mauvais souvenirs. Ceux de mon enfance. Dès que je fus en âge de tenir une épée, j'étais devenu un apprenti guerrier. Les aspirants étaient réunis dans une sorte de groupe où des guerriers se chargeaient de leur instruction. Leurs méthodes étaient assez inédites, voire innovantes. Elles n'étaient pas du goût de tout le monde, et certainement pas du roi, qui préférait la méthode traditionnelle pour éduquer un guerrier. Mais qu'importe. À mon arrivée, j'avais rencontré le grand Horn, de trois ans plus vieux que moi, et déjà une petite terreur en puissance. Comme tout gamin un peu plus fort que les autres, son obsession était de martyriser les pauvres gamins qui comptaient parmi les plus faibles. En l'occurrence moi. Pendant des années, j'ai donc dû ''jouer au cobaye'' avec lui. C'est-à-dire qu'il demandait à un garçon plus faible que lui de venir avec lui pour s'entrainer ; néanmoins, cela n'avait rien d'un entrainement dans la réalité. Horn choisissait toujours des adversaires qu'il était certain de dominer, et il se contentait de les tabasser avec méthode. Je me suis récolté de beaux hématomes à cause de lui. Mais ça lui est passé avec l'âge quoiqu'il aime toujours montrer sa supériorité aux autres. C'est un peu ça, un guerrier scandinave.
Horn cessa bien vite de rire. Il me regarda d'un air méfiant, comme si le fait que je ne ris pas cache quelque chose. Ou comme si j'étais une femme, parlons un peu comme lui aurait sans doute pensé. Puis il soupira fortement, comme s'il était déçu, puis me confia sur un ton de confidence :

« On va faire une expédition dans un village de l'autre côté, à c'qui paraît, ils ont pas mal de butin caché. Y a des instructeurs qui nous accompagneront, mais le gros de la besogne, ce s'ra nous qui le f'ront. Ça te dit de venir ? »

Il faut toujours un bref instant avant de comprendre quelque chose dans ce genre. Venir ? Avec eux ? Avec Horn, lui, le grand gaillard de quinze ans, qui a déjà la carrure d'un homme, d'un vrai, qui a un peu la main mise sur les autres garçons et qui choisit qui vient dans ce genre d'expédition ? Il était promis à un avenir de meneur d'hommes tandis que moi... Soyons honnête, j'avais douze ans, mais j'en faisais moins. Bien sûr, j'étais dans l'âge où les instructeurs nous laissaient un peu plus tranquilles et autonomes. Je pouvais même boire autant d'alcool que je voulais, même si à cet âge je savais être raisonnable. Mais je ne serais jamais un grand guerrier, c'était certain. Je n'avais pas la carrure, je n'avais pas le talent. On y ignorait tout encore de mon mental, puisque je n'avais encore jamais été en situation. C'était le seul doute qu'on avait encore à mon sujet et, si je n'avais pas de mental, je pouvais dire adieu à la carrière de guerrier. C'était assez étonnant qu'Horn me propose de faire mes preuves. Il savait parfaitement ce que je valais, c'est-à-dire, pas grand chose, et il aurait mille fois préféré donner cette place à un garçon qui le méritait vraiment. Quoiqu'on en dise, Horn tendait à devenir juste, avec le temps. Il fera un bon chef.

« Ne crois pas que j'fais ça parce que j'suis gentil, hein. me fit-il remarquer. Simplement, le seigneur Lykke m'a demandé à c'que tu viennes et tu vois, on lui refuse rien, à ton père... »

Ah. Mon père. Le point central de toute cette discussion. Mon père, ce grand guerrier. Autant Horn adulait mon père, autant il m'avait en bien piètre estime. Cela n'avait rien d'étonnant, d'ailleurs. Ráðúlfr Lykke est tout simplement le meilleur guerrier de tout le royaume. Il est légendaire, et son histoire autant que lui. Au départ, mon père n'était qu'un simple paysan, assez solide, il faut en convenir. Il habitait à la frontière du royaume et son village subissait régulièrement les assauts de villages voisins étrangers, ce qui est encore le cas aujourd'hui, d'ailleurs. Il suffisait de traverser la mer pour aboutir à un autre royaume plein de richesses. Il avait tout d'abord aidé les guerriers de son village à repousser les attaquants, puis s'était bien vite montré plus efficace qu'eux. Il intégra la caste des guerriers et s'illustra au cours de nombreuses batailles. Il gagna en grade, si bien qu'il est aujourd'hui une véritable légende vivante. Le roi lui-même est ébahi par ses talents, et pourtant, notre roi, ce n'est pas n'importe qui. En outre, mon père est aussi à l'origine de notre groupement de guerrier. Cela explique notamment que j'y sois entré malgré mes maigres talents. Mais mon père tient à ce que je devienne un guerrier. Son mariage avec ma mère est considéré comme un mariage malheureux par le peuple. Il avait épousé ma mère contre l'avis de tous, alors même qu'on ne lui augurait rien de bon. On ne peut même pas dire que ma mère était d'une telle beauté qu'elle aurait fait fondre n'importe qui ; elle était plutôt banale, mais d'une gentillesse sans égale et d'une douceur à toutes épreuves. Ils eurent sept filles avant qu'arrive enfin le seul garçon de la famille, moi, Yrian Lykke, huitième de la famille. J'étais le seul à pouvoir prendre le relais de mon père. À vrai dire, ce n'étais pas du tout gagné. Je faisais honte à mon père et je salissais le nom de Lykke, qui venait juste d'entrer dans la lumière. Mais on s'y habitue, à force de se le reprocher sans cesse.
Il n'était guère étonnant qu'Horn me propose de venir avec lui. Quand Ráðúlfr Lykke ordonne, les autres obéissent, à part le roi, évidemment. Et encore... Mon père est tellement impressionnant que le roi n'aimerait pas le contrarier. Un peu comme moi avec Horn, sauf que je suis un petit peu censé être sous ses ordres.

« Je comprends. fis-je d'un ton doux pour bien montrer que je ne comptais pas me vanter de mes origines, je participerai avec plaisir à l'expédition, si mon père l'ordonne
- Trouve-toi une armure à ta taille, et rendez-vous demain au Ponton à la première heure ! »


Mon destin était scellé.


Le lendemain. Le Ponton, première heure.

J'avais réussi à trouver une armure à ma taille, comme Horn me l'avait demandé. J'avais entendu dire qu'il avait organisé lui-même l'expédition, avec l'aide des instructeurs, bien sûr. L'intervention de mon père n'avait pas été un hasard : pour une fois, il allait venir avec nous, sans doute pour évaluer nos progrès. Il voulait forcément voir comment se débrouillait son crétin de fils unique. Tout le monde devait être sous pression à cause de lui, tout devait être parfait pour la venue d'une légende comme lui. Quant à moi, il ne me restait qu'à prier tous les dieux que je connaissais pour espérer que je ne me ridiculise pas trop devant lui. Ce n'est pas que cela me dérangeait en temps général : à force, j'avais pris l'habitude de ma médiocrité. Il était évident que je n'étais pas taillé pour être un guerrier, que les autres garçons étaient plus doués que moi. Mais cela m'aurait fait mal de faire honte à mon père. Je devais bien être l'une des rares choses qu'il a ratées dans sa vie. Je m'en voudrais si je n'étais pas à la hauteur de ses exigences.
Lorsque je vis Horn en train de faire l'appel des garçons, j'éprouvai aussi de la pitié pour lui. Je voyais qu'il était sous tension, je le sentais alors que j'étais encore à des mètres de lui. Il s'agitait nerveusement, donnait des ordres d'un ton sec, réprimait également un petit tremblement de la main gauche que j'observais en souriant bêtement. Il me jaugea rapidement, constata que j'avais effectivement une armure à ma taille, puis m'envoya rejoindre les autres avec un mouvement vif.
C'est alors qu'arriva Ráðúlfr Lykke. Bien qu'il ait la cinquantaine, ce n'était pas le genre d'hommes à qui on conseillait de prendre sa retraite. Il était toujours solidement bâti, bien musclé, bien fier. Nul doute qu'à l'âge adulte Horn aurait la même carrure que lui. C'était tout de même incroyable de penser qu'il ressemblait plus à mon propre père que moi. Horn le salua très solennellement, mon père répondit de manière formelle, qui fit rougir de contentement Horn. Il appréciait apparemment la confiance que mon père plaçait en lui. Je le comprenais parfaitement. Il n'avait pas la chance de pouvoir en dire autant de son propre fils. Les garçons commencèrent à monter sur le bateau et il me fit signe de venir le rejoindre. Nous nous saluâmes de manière très froide, il m'adressait un regard glacé qui soulignait bien les propos qu'il me glissa :

« J'espère que tu me prouveras ce que tu vaux, aujourd'hui.
- Oui, seigneur. »
répondis-je docilement, comme à chaque fois que je lui parlais en dehors du cadre familial.

Je soutins son regard quelques instants avant qu'il me fasse signe de rejoindre mes camarades. Comme je le disais plus haut, quand Ráðúlfr Lykke ordonne, les autres obéissent. Je rejoignis les autres en silence. Nous partîmes bientôt et il nous fallut ramer, tandis qu'Horn dirigeait les opérations. Les guerriers étaient eux confortablement postés à l'arrière. Ils discutèrent à voix basse pendant tout le voyage. Quant à moi, je sentis le regard insistant de mon père sur mes épaules. Étrangement, cette tension que je ressentais m'empêchait d'avoir peur. Et pourtant, c'était la première bataille à laquelle j'allais participer ; je me demandais si mon père avait conscience de cela. Peut-être... mais il devait certainement pense que le courage n'était pas un attribut propre au guerrier, mais à tout homme digne de ce nom.
Après plusieurs heures de navigation, nous arrivâmes en vue du rivage étranger. Les villageois avaient vu notre bateau arriver, si bien qu'ils nous avaient préparé un petit comité de réception. Je ne suis pas expert en stratégie, mais je dois dire qu'ils avaient l'air bien positionnés. Enfin, c'est ce que je crois. Il est tout de même plus agréable de se dire qu'on a affronté des guerriers accomplis plutôt que des guerriers maladroits. Horn commença à nous dire que faire une fois que nous serions arrivés. Nous lâcherions nos armes et nous sauterions du bateau (''voyons, les échelles, c'est pour les femmes !''), puis nous irions attaquer les défenseurs. Si nous vainquions, nous irions alors à la tour du village, qui contenait soi-disant un trésor. Nous écoutâmes attentivement, mémorisant le plan d'attaque. Ça promettait d'être amusant. Je n'avais pas peur. J'avais envie d'y aller et de faire mes preuves.
Le moment vint. Le bateau s'enfonça dans le sable. Selon l'ordre défini par Horn, nous sautâmes du bateau. Les garçons atterrirent brutalement sur le sable avant de courir vers leur cible. Quant à moi, qui était plus léger, j'avais développé une certaine souplesse qui me permit d'atterrir élégamment sur le sable. Puis je me mis à courir vers le groupe qui m'avait été assigné, évitant les défenseurs qui voulaient se jeter sur moi mais qui étaient destinés à mes compagnons. J'étais plus rapide que les garçons qui devaient m'accompagner, et malgré le fait que je portais une armure et une arme trop lourdes pour moi, je réussis à rester à leur distance. C'est ainsi que commença le premier combat de ma vie.
Mon premier assaillant était un grand homme avec des cheveux noirs et une barbe qui commençait à devenir grise. Il était plutôt solide, mais du genre lourdaud. Je décidai de me laisser aller, car c'était la seule manière que j'envisageais pour survivre. Instinctivement, je modifiais légèrement les gestes qu'on m'avait appris et que j'exécutais habituellement avec maladresse. Je les arrangeai à ma manière, de telle sorte à ce qu'ils devinrent précis, rapides et élégants. Le tout était plutôt efficace. J'esquivais ses coups sans trop de problème, car il était maladroit dans ses gestes – sans doute un villageois, comme la majorité des opposants sur cette plage, mais lui avait plus de mal à éviter les miens. Il est plus simple de toucher une grosse cible qu'une petite. Je n'eus pas trop de mal à le tuer. J'enchainais rapidement avec un autre adversaire et au fil des combats, mes gestes devinrent de plus en plus fantaisistes. Moi, un guerrier ? Je crois que c'est à ce moment-là qu'il fut évident que je n'en avais pas l'étoffe. J'étais autre chose, quelque chose de plus sournois et de plus étonnant. Absolument pas le type de guerrier scandinave qu'on aurait cherché à faire de moi. Pourtant, ma manière de battre avait beau virer au farfelu, ils restaient efficaces, sans doute parce que j'avais été conditionné sans m'en rendre compte par l'enseignement des guerriers, qui recherchaient la mort au bout de leur lame. J'adaptais donc mes coups à ma morphologie, tout en conservant l'efficacité que la science des armes m'avait apprise à avoir.
Cela prit du temps, cela se fit dans la douleur, mais nous finirent par vaincre nos opposants, qui se rendirent. Il fallait être honnête : la plupart d'entre eux n'avaient reçu aucune formation de guerrier, il n'était guère étonnant que nous prenions le dessus. Avant de partir chercher le trésor avec certains garçons, Horn vint me voir :

« Non mais t'as vu comment tu t'es battu, Lykke ? C'est pas d'la guerre, ça ! Tu sais vraiment pas t'y prendre ! Alors tu vas rester là à surveiller les perdants, moi, j'vais avec des gars de confiance trouver le trésor ! »

Et il partit très vite pendant que je me postai en garde des opposants. Ils étaient salement amochés et avaient un air misérable. J'en aurais presque eu pitié pour eux. Mais c'était la dure loi de la nature. Ils avaient quand même tué certains des garçons, dont je voyais les corps du coin de l'œil. J'eus alors la pensée égoïste que ce serait à eux de nettoyer le carnage de la plage. C'était stupide. Ils n'appréciaient sans doute pas plus que moi cette besogne. Puis je me rendis compte que je me sentais bien. On disait souvent que le premier sang versé bouleversait, mais j'avais été dans un tel état de tension que je me sentais mieux. Oh, et j'étais vivant. Rien que cela était agréable. Je respirais le doux air marin – il avait l'odeur du sang. Écœurant.
D'autres garçons prirent la relève tandis que j'allais aider à hisser le coffre sur le bateau. Horn criait au guerrier qu'il contenait des pierres précieuses ; ceux-ci approuvaient parfaitement son choix. Nous le fîmes monter avec des cordes ; cela prit un certain temps, mais nous réussîmes à le poser sur le pont. Puis nous le poussâmes jusqu'à la cale. Enfin, les derniers garçons revinrent puis nous repartîmes, laissant le corps de nos camarades morts sur la plage avec les opposants survivants enfin libres.
Après une heure de navigation, nous fîmes une pause pour manger. Nous avions déjà ramé tout le matin, nous avions combattu, trainé le coffre jusqu'ici, et de nouveau ramé, mais avec moins de personnes qu'avant. Le repas fut sommaire, mais assez consistant pour nous redonner des forces. Après quoi Horn annonça la reprise du travail. Mais avant que je rejoigne ma place, une voix forte s'éleva au-dessus de toutes les autres.

« YRIAN ! »

Mon père. Le silence se fut et ceux qui se tenaient entre mon père et moi s'écartèrent avec prudence. Ça valait mieux. Je me rappelais brusquement qu'il avait dû m'observer sur la plage. S'il ne l'avait pas fait, cela m'aurait bien sûr étonné, mais j'étais subitement gêné. Il avait sans doute remarqué comme Horn mon étrange manière de me battre. Je n'avais envie de dire qu'une seule chose : Aïe.

« Oui ? » répondis-je timidement, me demandant ce qui allait rester de moi une fois qu'il en aurait terminé.

Mais à ma grande surprise, il me sourit.

« Je tenais à te dire que je suis fier de toi. Je t'ai vu te battre. C'était étrange et totalement fou. Assez peu digne d'un guerrier scandinave, je pourrais dire. Mais c'était très personnel et efficace, je dois le reconnaître. Tu es courageux, mon fils. C'est de cela que je suis fier.
- Merci, Père. »
répondis-je avec un sourire, tout en inclinant légèrement la tête en signe de remerciement.

Fier de moi. Pour mon courage, certes, mais il était fier de moi. J'étais un peu étourdi quand je repris ma place sur les bancs des rameurs. Son regard se faisait moins insistant sur mon épaule.


Quartier Général. Le soir.

Nous étions rentrés quelques heures auparavant. Pour descendre le coffre, c'étaient les marins du port qui s'en étaient occupés. Les instructeurs avaient estimé que nous en avions assez fait. Ils avaient félicité Horn pour le bon déroulement de l'opération. Dès qu'il le put, mon père était descendu à terre et s'était enfoncé en silence dans la ville. Cet homme-là fait ce qu'il veut. Il avait choisi de ne pas s'attarder, c'était son choix. Nul ne l'aurait contesté. Quant à moi, je me sentais drôle. Je ne m'étais jamais retrouvé dans cette situation. Je n'en revenais d'ailleurs toujours pas. Comment mon père pouvait-il être fier de moi alors que je ne m'étais pas battu comme un guerrier scandinave ? Je ne me l'expliquais pas. Horn était me voir à son tour et m'avait chuchoté :

« Le seigneur Lykke a raison. T'es courageux. T'as au moins ça. »

Puis il s'était retourné vers un autre garçon qui avait une blessure sérieuse au bras droit. Il avait malgré tout l'air heureux d'avoir passé une journée avec mon père.
J'étais dans le dortoir avec les autres garçons. Nous devions nous coucher dans une demi-heure, aussi profitions-nous de ces derniers instants pour nous amuser. Dans le dortoir, il n'y avait que des garçons de mon âge, qui paraissait plus vieux que moi. Ils avaient vaguement entendu parlé de l'expédition à laquelle j'avais participé. À vrai dire, ils s'en fichaient pas mal, étant donné qu'ils en avaient eux-mêmes plusieurs derrière eux, du moins la plupart. Pourtant, le brouhaha fut interrompu par un instructeur.

« Le seigneur Lykke demande à voir Yrian Lykke dans les plus brefs délais. »

Le silence était complet, comme à chaque évocation de mon père. Ah, les légendes vivantes, c'est incroyable les effets que ça peut avoir sur les gens, surtout lorsque ceux-ci font tout pour l'égaler. Son nom me faisait un peu moins d'effet, peut-être parce que c'était aussi le mien et que j'étais lié à lui malgré ma faiblesse. Je me levai, étonné de cette convocation tardive, mais je suivis l'instructeur dans le couloir.
Mon père était assis sur un fauteuil près du feu, dans un de ses bureaux réservés aux instructeurs et dans lesquels les élèves étaient rarement accueillis. J'étais une des rares exceptions. Il me fit signe de s'asseoir à côté de lui, sur un autre fauteuil près du feu. Je me taisais sans vraiment oser le regarder. Qui plus est, j'avais froid, contrairement à lui qui portait une grosse fourrure. J'espérais que le feu me réchaufferait un peu, mais comme durant toutes les nuits glaciales que connait la Scandinavie, un feu de cette taille n'est que rarement suffisant, surtout pour une pièce de cette envergure. Je tremblais en silence, la tête baissée.

« Yrian... »

C'était à peine plus qu'un murmure. Il l'avait dit d'une manière très douce, comme s'il avait une réelle affection pour moi – oh, c'était sans doute le cas, mais il ne la montrait pas, c'était certain. Il semblait ne pas vraiment savoir comment me parler, son ton était aussi légèrement hésitant. Je relevai la tête et le regardai d'un air étonné.

« Je ne vous connaissais pas ce ton. »

Il sourit, comme si je lui avais tendu la perche qu'il attendait.

« Je ne te connaissais pas cette manière de te battre non plus.
- Bien répliqué. »
notai-je.

Au fond de moi, le malaise grandissait. Je savais que c'était ça le sujet de notre discussion. Cela ne présageait rien de bon pour mon avenir. Il se redressa un peu avant d'entamer :

« Vois-tu, je me trouve dans une situation délicate. Je ne sais pas quoi penser de toi. Mentalement, tu es très fort, je n'ai rien à redire là-dessus. Aujourd'hui avait lieu ta première bataille, et tu t'en es très bien sorti. Non seulement tu n'as pas connu la peur, mais tu as fait preuve d'initiative et tu en es sorti presque sans égratignure. C'est un très bel exploit, je dois le reconnaître. En cela, tu es bien mon fils. Mais tu ne bats pas comme un guerrier. C'est cela qui me gêne. »

Il s'arrêta pour observer ma réaction. J'avais blêmi. J'étais certes fier qu'il reconnaisse mes qualités mentales ; mais ce bémol qu'il soulevait me mettait extrêmement mal à l'aise. Lui était quand même un grand guerrier, qui était parfaitement apte de juger des qualités d'un guerrier. Étant son fils, j'aurais dû être un bon guerrier. Il agita la main, comme s'il savait ce que je pensais et qu'il le rejetait.

« En fait, ce serait même moyennement gênant. Après tout, je me suis bien illustré seul sur le champ de bataille. Je ne vois pas pourquoi tu ne ferais pas de même. Mais ton parcours sera différent. Tu peux être efficace, tu peux parfaitement tuer. Tu en es capable, je l'ai bien vu. Mais tu n'es pas un guerrier. Tes gestes ne sont pas adaptés à la mort et à la guerre ; on dirait plutôt la danse d'une lame solitaire qui joue avec sa victime et qui tue à petite dose. Ce sont deux choses totalement différentes. Sur un champ de bataille, tu peux t'en sortir, mais on ne t'admirera pas pour ça. Pour un peu, tu te battrais presque comme une femme.
- Cela vous gêne ?
l'interrompis-je, quelque peu angoissé.
- Ne va pas jusque là. Je pense que tu as du potentiel. Simplement, ce n'est pas un potentiel de guerrier, mais un potentiel d'assassin. »

J'étais abasourdi. Assassin ? Le mot ne me convenait qu'à moitié. Oui, j'étais bien un assassin, parce que j'avais tué. J'avais tué pour de la richesse. Mais ce n'était pas par intérêt personnel. Mon père devait sans doute le comprendre. Le regard qu'il portait sur moi n'était pas froid. Il paraissait conciliant. Pour un peu, j'aurais cru qu'il me poussait vers cette voie.

« Quoiqu'il en soit, reprit-il tu conviendras que tu n'es pas fait pour le métier de guerrier...
- C'est exact.
- Mais tu sais également que tu es courageux.
- C'est le cas.
- Est-ce que tu crois que tu as un avenir ici ? »


La question me prit au dépourvu. J'étais sincèrement persuadé que non. Si je restais, j'étais condamné à être un soldat bizarre sous les ordres d'un chef qui n'aura jamais le charisme de mon part. Sans doute je ne m'épanouirais pas. L'avenir qu'on me promettait ici n'était pas très brillant. Mais je n'avais pas vraiment envisagé d'autre avenir. Je le fis remarquer à mon père.

« Ça n'a pas d'importance, tu sais. Je sais très bien que ton avenir n'est pas là. J'aurais voulu que tu sois un vrai guerrier, que tu suives mes pas, que tu prennes ma place... Mais ce n'est pas le cas. Tu es appelé à t'illustrer par toi-même. Tu inventeras peut-être quelque chose. Tu auras peut-être une vie misérable si on te laisse exercer ton art comme tu l'entends. Tu restes mon fils. Je ne veux pas que ton avenir soit sans espoir.
- Je ne voulais pas non plus vous décevoir.
fis-je remarquer.
- Que je sois déçu ou pas ne te concerne pas. répondit-il abruptement. À présent, il va falloir te trouver un avenir digne de ce nom. Je vais te prendre sous mon aile. Et je t'aiderai à développer un style unique, un style à mi-chemin entre le tien et le mien. C'est tout ce que je peux faire pour toi. Et quand je te lâcherai, je veux que tu voles de tes propres ailes. »

Il plongea alors son regard dans le mien, que je soutins de mon mieux.

« C'est un ordre. »

Je lui fis signe que j'avais compris. Avant de me retirer, je lui lançai :

« Est-ce que vous savez qu'il est pratiquement impossible de ne pas vous obéir ? Lorsque vous parlez, tout le monde vous suit. C'est fascinant.
- Merci. Je le savais. »


Quand je retournais au dortoir, j'étais dans l'expectative. Un sacré personnage, mon père. Il faut le voir pour comprendre.


Second Épisode.

Voilà désormais cinq ans que je m'entrainais avec mon père. Le lendemain de cette sombre soirée, j'avais fait mes valises et j'étais parti. Personne ne m'avait vraiment regretté car, il fallait être honnête, tout le monde savait que c'était la meilleure décision à prendre. Ils n'avaient aucune jalousie à mon égard, sachant pertinemment que s'entrainer avec mon père était un honneur. Je gardai bien sûr contact avec certains garçons, y compris d'Horn, que mon départ ne dérangeait pas, mais qui avait fini par m'apprécier grâce à mon absence. C'était vraiment une relation particulière, avec Horn, que je regrette aujourd'hui, mais que je n'aurais jamais pu continuer.
J'étais rentré dans le domicile familial le jour-même. Ma mère avait été heureuse de me voir, de même que mes sœurs. Elles n'avaient pas été mises au courant des motivations de mon père, cela nous convenait parfaitement. Nos relations étaient assez distantes. Je n'avais pas vraiment grandi dans cette famille, j'étais presque un intrus pour elles. Lorsque je l'avais fait remarquer, il m'avait répondu que la maison était le domaine de la femme, et que par conséquent, il était normal que je m'y sente étranger. En même temps, je n'étais pas seulement étranger à la maison, mais aussi à l'univers d'un guerrier. C'était comme ça.

L'entrainement avec mon père avait quelque chose de fascinant et d'inédit. Cela n'avait strictement rien à voir avec ce que les instructeurs me faisaient subir. Il avait beaucoup plus de force et de délicatesse qu'eux ; il ne faisait aucun doute qu'il était un excellent guerrier. Mais c'était surtout la manière de procéder qui différenciait. Il ne m'apprenait pas des gestes théoriques que je devais répéter jusqu'à atteindre la perfection. Il ne me faisait pas entrainer contre quelqu'un d'autre en me criant dessus si je faisais un mauvais mouvement. Il était mon propre cobaye et mon but, c'était de le battre ; je pouvais toujours rêver, bien sûr. Il n'avait rien à voir avec les guerriers que j'avais combattu, tant dans le style, plus perfectionné, que dans la technique, plus précise, ou encore l'agilité. Mais sa plus grande force, c'était qu'il était imprévisible. Je ne pourrais pas décrire sa manière de se battre tant elle est complexe ; pourtant, elle ressemble un peu à la mienne, mais dans un tout autre registre.
Je faisais des progrès, c'était certain, mais plus je progressais, moins je ressemblais à un vrai guerrier. J'étais bel et bien en train de devenir ce que mon père appelait ''assassin''. Mais il m'avait assuré qu'il n'en concevait aucune honte ; aussi, je devais accepter d'être ce que j'étais. Et si sur le plan physique, je m'améliorais, sur le plan mental, je m'épanouissais à vue d'œil. Mon père m'amenait à prendre confiance en moi. Il me disait qu'il fallait que je me détende, que je cesse d'être angoissé, cela ne pourrait que me nuire. Progressivement, j'arrivais à passer outre la crainte que j'avais de mon père. J'avais beau avoir toujours su qu'il ne voulait que mon bien, il était si charismatique et imposant à la fois qu'il m'impressionnait. Néanmoins, le fait de m'accepter m'aidait beaucoup à son sujet.

J'avais dix-sept ans et j'entretenais de bons rapports avec mon père. Mais un problème était venu. Je restais toujours imberbe, alors que les jeunes gens de mon âge avait déjà une belle barbe au menton. On pouvait observer ma peau de près qu'on n'en voyait aucun. Cela était le plus gênant de cette histoire. J'avais des cheveux longs, mais pas de barbe. C'était étrange. Mon père paraissait inquiet, mais il s'efforçait de ne pas le montrer. Je suis sûr que ça l'avait profondément perturbé. Il essayait quand même de me soutenir, parce qu'il voyait que j'en souffrais. Lorsque je sortais, on commençait déjà à se moquer de moi. Lorsque j'avais revu Horn, il avait éclaté de rire, et il fallut une bonne heure pour qu'il soit totalement calmé. Oui, je n'avais pas de barbe. Et alors ?

« Tu sais, ce n'est pas si grave que ça, me fit remarquer mon père, c'est vrai que c'est... gênant, et pas franchement très beau. Mais une barbe, c'est superficiel. Cela ne change rien à ce que tu es profondément. »

Pour autant que j'avais changé, je n'étais toujours pas capable de le contredire. D'autant plus qu'il ne pouvait pas vraiment se rendre compte de ce que suscitait mon absence de barbe. Il suffisait qu'il paraisse pour qu'il coupe l'envie de rire aux autres. En même temps, ils n'était pas fous, ils ne voulaient pas risquer d'encourir sa colère. De toute façon, mon père se montrait assez maladroit à ce sujet, alors qu'il se montrait des plus conciliant avec moi à ces moments-là.


La Cour.

Je m'enveloppai dans un manteau de fourrure blanche, l'une de mes préférées et l'une des plus soyeuses. Nous venions à peine de finir notre entrainement. Je m'étais lavé en vitesse dans l'eau glacée de la bassine, puis m'étais rhabillé. Mon père s'occupait de ranger les armes avec lesquelles il s'était battu. Il ne semblait pas pressé de se rhabiller, d'ailleurs. Pendant que je frottais mes mains pour les réchauffer, il prit la parole.

« Je vais partir voir le roi la semaine prochaine.
- Ah. »


Mes réponses éblouissantes l'ont très souvent fait rire, cette fois-ci n'échappa pas à la règle. C'était une manière gentille de se moquer de moi. Mais dès lors qu'il avait fini, il redevenait tout de suite très sérieux.

« Il m'a proposé de te faire venir. Il aimerait bien te rencontrer.
- Pourquoi ?
- Parce que tu es mon fils, tout simplement
- Et cela lui suffit ?
- Disons que c'est important dans la tradition guerrière. »
conclut-il sèchement.

Je baissai les yeux vers le sol enneigé. La tradition était quelque chose de lourd à porter, surtout lorsqu'on était en désaccord avec celle-ci. Mais je sentais toutefois qu'il me cachait quelque chose ; et il savait que je savais. Il voulait faire taire mes soupçons, mais c'est généralement dans les cas comme ça que notre éducation n'a que trop bien fonctionnée. Il ne me dirait rien de ce qu'il en était vraiment et je devais m'en contenter. Cela ne satisfaisait personne, mais aucun de nous ne cèderait : moi parce que je ne pouvais empêcher ma conscience d'agir, lui parce qu'il avait l'habitude de tout diriger. Pour empêcher qu'une trop grande tension s'installe entre nous, j'osai changer de sujet.

« Je viens de me rendre compte que nous n'avons jamais voyagé ensemble. »

Je ne levai pas la tête pour chercher son regard. Mais je sentais sa double approbation, à la fois en ce qui concernait l'initiative de changer de sujet et par le sens de mes paroles. Même lorsque j'étais venu ici, j'avais été seulement accompagné par des guerriers-instructeurs sélectionnés par mon père. Lui était libre d'aller et venir comme il l'entendait ; en revanche, il contrôlait toutes mes sorties et les limitait au maximum. Je ne peux pas dire que cela m'avait vraiment posé un problème. Je n'avais pas beaucoup d'amis et, rappelons-le, j'étais imberbe. Le regard des autres quand je sortais était plutôt difficile à supporter. Je suppose que mon père songeait à la même chose, puisqu'il dit :

« Eh bien, ce sera une occasion de nous montrer tous les deux. »

Affaire classée, aurions-nous pu dire.
Mon père m'engagea pour les préparatifs du voyage, à savoir qu'il me laissa l'organiser sans me laisser au dépourvu pour autant. Il est toujours rassurant de sentir que quelqu'un d'expérience veille sur nous, tout comme il est agréable d'agir par soi-même. L'expérience fut à mon sens bénéfique. Puis nous partîmes à la date prévue. Deux guerriers nous accompagnaient, mais c'était plus honorifique que nécessaire. Mon père, il me l'avait appris, préférait voyager seul et assez peu chargé ; néanmoins, rendre visite au roi incluait de faire quelques efforts de présentation : il avait ainsi un semblant de suite et des hommes capables de transporter les ''affaires superflues'', c'est-à-dire ce dont il n'aurait pas eu besoin si ça n'avait été pour le roi. Il y avait notamment une réserve de poignards, qu'il avait interceptée d'une cargaison de bandits ambulants, et qu'il réserve aux guerriers royaux. Pour lui-même, ses armes habituelles auraient suffi, d'autant plus qu'il ne voyageait pas seul. Je crois aussi que s'il y portait autant d'attention ce jour-là, c'était parce qu'il voulait faire bonne impression. Le voyage me parut long, bien qu'il ne dura que quelques jours ; mais les paysages se ressemblaient, si bien qu'on s'en lassait. Il n'y avait guère plus d'occupation que la discussion avec les autres, et ici elle était malaisée, les deux guerriers refusant de m'adresser la parole et mon père... il est très difficile de discuter avec mon père, même si j'avais essayé. J'évitai soigneusement de parler de l'entrevue avec le roi ; au moins, cela lui garantissait d'être de bonne humeur. Je l'interrogeai plutôt sur son passé, ses batailles, ou encore l'histoire de notre pays. Il restait toujours très concis et passait sous silence de nombreux sujets sans que je comprenne ce qui le motivait.
Finalement, nous atteignîmes notre destination. Le château du roi était une véritable forteresse en pierre brute, très peu raffinée, d'ailleurs. Ici, on y voyait l'esprit du guerrier. Tout avait été construit de façon militaire afin de soutenir n'importe quel long siège. La plupart des pièces y étaient froides, à part peut-être les pièces de vie du roi ou les salles de réception. Le roi ressemblait d'ailleurs à mon père : il était lui aussi bâti de manière solide et, malgré sa soixantaine, son corps paraissait extrêmement jeune. Comme mon père, c'était justement le genre de personne fort et quasiment impossible à vaincre en combat singulier. Il possédait lui aussi du charisme, mais différent de mon père : là où mon père était imposant et persuasif, le roi semblait un peu plus fragile, et c'est sans doute ce qui lui donnait un air si digne. Mon père était fait pour commander, mais le roi était fait pour diriger. La différence était minime, mais on sentait bien que ces deux hommes étaient chacun à la place qui leur convenait le mieux, ainsi qu'ils étaient très fortement liés. Il est inutile de préciser à quel point je paraissais insignifiant à côté d'eux. Physiquement, je n'étais pas aussi solide. Je ne dégageais pas un aura de charisme, mais plutôt quelque chose comme un mystère pestiféré. Les salutations furent très formelles. Je me tus durant l'intégralité de l'échange.

« Bienvenue, Yrian Lykke. commença le roi. Je suis ravi de te rencontrer, jeune homme, car ton père m'a beaucoup parlé de toi. Il dit que tu n'as pas l'étoffe d'un guerrier, mais d'un assassin, Il se tut quelques instants avant de reprendre : Qu'est-ce qui te fait dire ça, Ráðúlfr ?
- Eh bien, seigneur, il est difficile d'en douter en le regardant. Tu remarqueras d'ailleurs qu'il n'a pas la carrure d'un guerrier. Il n'a même pas de barbe.
Je serrai les dents pour m'empêcher de parler. Mais qui après tout a dit que la valeur d'un guerrier se mesurait à sa barbe ? Yrian est quelqu'un de très courageux, je l'ai vu à son premier combat. Il ne semble pas connaître la peur. Et s'il ne possède pas la force, il a l'intelligence, la précision, la souplesse. Je lui ai appris à se fier à ces valeurs face à quelqu'un de plus brute, comme moi. Yrian détourne les pratiques habituelles pour inventer quelque chose de nouveau, de si fou que cela en devient intéressant. Il a appris à être imprévisible...
- Intéressant...
- Néanmoins, il faut remarquer qu'Yrian n'est pas fait pour la bataille. Il peut s'en sortir, avec brio, même, mais ce n'est pas là qu'il excellera. Yrian n'est pas une machine de guerre, son but n'est pas de tuer en masse, mais de bien tuer. C'est ce qui en ferait un bon assassin.
- A-t-il accepté cette idée ?
questionna le roi, comme s'il avait subitement oublié ma présence.
- Je l'ignore. Yrian a plus tiré de mon caractère qu'on pourrait le croire. Il est vrai, seigneur, qu'il n'a rien d'un meneur d'hommes. Mais il a de la personnalité. Avec le temps, il pourrait même devenir stratège ; il ne lui manquerait que l'expérience et quelques conseils pour cette voie. Quoiqu'on en dise, Yrian a de l'avenir devant lui. Mais il ne deviendra pas guerrier. »

Le roi hocha la tête en signe d'approbation.

« Je m'en doutais, après ce que tu m'avais dit... Il tourna son regard vers moi. Je sens moi aussi le potentiel de ce garçon. Mais je comprends ce que tu veux dire. Ce n'est pas un guerrier, mais il peut tuer. Il se retourna vers mon père. Ce garçon se mésestime, et c'est bien cela le problème. Il se considère toujours comme le dernier en tout. Je crois que c'est parce qu'il n'a pas de barbe. Ça a sans doute miné sa confiance en lui... Comment pourrait-il se sentir homme, ainsi ? Non, je comprends vraiment ce que tu veux dire... et son cas m'intéresse... »

Ils ne poursuivirent pas. Ils paraissaient avoir trouvé un accord, sans doute sur mon avenir. Si je me référais aux paroles du roi, celui-ci ne devrait pas être trop mauvais. J'avais bien noté les mots ''potentiel'' et ''mésestime''. Ainsi, il croyait qu'on pouvait faire quelque chose de moi. Était-ce possible ? Il me fit alors signe de partir, ce que je fis immédiatement, pas fâché de m'éloigner de ces deux géants exceptionnels.
Je passai le reste de la journée avec les gardes, qui étaient manifestement des grosses brutes. Nous discutâmes d'un peu de tout, mais je tus bien sûr tout de mon entrevue ; ils m'auraient alors posé des questions indiscrètes auxquelles je n'aurais pas été en mesure de répondre. Je ne m'étais jamais encore vraiment rendu compte d'à quel point un garde était curieux. Il voyait les moindres allers et venues dans le château, mais il s'intéressait surtout aux ragots auquel il n'avait pas accès, car il était certain d'avoir une information importante comme monnaie d'échange. Ils m'offrirent même un peu de bière, mais elle n'était pas aussi bonne que dans mon village natal.
Finalement, le soir, peu après avoir regagné mes quartiers, mon père me rendit visite en toute discrétion. Il m'annonça alors la nouvelle : j'allais devenir éclaireur de l'armée royale. Je ne sais ce qui avait vraiment motivé ce choix, mais ils pensaient tous deux que j'étais le plus apte pour ce type de travail. J'avais démontré lorsque je combattais que j'étais observateur, puisque j'élaborais des stratégies spontanées qui étaient souvent payantes. J'étais très discret du fait de ma petite taille. Je savais faire preuve d'initiative. Et je savais parfaitement me défendre contre des guerriers plus forts ou plus nombreux que moi. J'acceptai, songeant que cette situation allait me plaire.
Je notai cependant qu'ils avaient pris soin de m'éloigner des grands combats.





Dernière édition par Yrian Lykke le Lun 29 Nov - 19:15, édité 2 fois
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« Skandinavien ! » • Yrian Lykke  Vide
MessageSujet: Re: « Skandinavien ! » • Yrian Lykke    « Skandinavien ! » • Yrian Lykke  EmptyLun 29 Nov - 19:14




IL Y A FORT LONGTEMPS...
Troisième Épisode

Je passai trois ans en tant qu'éclaireur de l'armée royale scandinave. L'armée était très peu en guerre contre d'autres pays. L'essentiel de son temps était passé dans les villages des territoires les plus proches, à piller pour le roi, ou alors dans notre propre pays, afin de faire régner l'ordre. Suivant les instructions du roi, on me tint bien éloigné des lignes de combat. Dès lors que j'étais revenu de mon observation, on me trouvait toujours une tâche à faire pour m'en éloigner. Mais j'avais été habitué à être sous les ordres de quelqu'un d'impressionnant : si l'ordre n'était pas venu initialement d'eux, je n'en aurais fait qu'à ma tête. Cependant, je me souvenais des recommandations de mon père sur ma manière de me battre. Juste avant que je parte pour la première fois avec l'armée royale, il m'avait pris à part pour me confier ceci :

« Écoute, Yrian... Tu vas partir en guerre. Tu te retrouveras face à des guerriers qui peuvent compter sur leurs talents et sur leurs formations. Ils sont brillants. Très entrainé. Te souviens-tu des réactions qui ont fusées à ta première bataille ? Imagine-toi ce que ce serait avec des hommes comme cela. Ne cherche pas la gloire au combat. Contente-toi de tuer ceux qui se mettront en travers de ta route, mais de manière discrète, car tu seras surveillé. Un coin sombre te sera toujours préférable à la lumière. »

Je ne savais pas pourquoi il croyait que c'était mieux que je devienne éclaireur. Mais les choses devinrent très vite évidentes. J'étais rapide, agile et discret ; qui plus est, j'étais capable de me défendre tout seul, ce qui était un avantage considérable. J'étais imprévisible, mais discipliné. Tout ce qui jusqu'alors passait pour des défauts était devenu mon arme secrète. Avec ma fourrure blanche, je glissais sur la neige comme une ombre et je frappais sans me faire voir. C'était une vie qui me convenait plutôt bien. Pourtant, mon père me manquait. Lors des plus grandes guerres que je connus, il avait dirigé les opérations avec un brio qui m'étonne encore. J'avais entendu parler de lui. Mais ce n'était pas comme le fréquenter. Mes compagnons ne l'avaient pour la plupart jamais vu, et, si c'était le cas, c'était de loin. Ils avaient un profond respect pour lui - que je partageais, d'ailleurs – à tel point qu'ils n'osaient pas utiliser mon nom de famille pour m'appeler : le nom de Lykke était trop glorieux pour cela. Il est vrai qu'ils considéraient aussi que c'était un trop grand nom pour moi : je n'avais même pas de barbe ! S'ils avaient d'abord été impressionnés de recevoir le fils du grand seigneur, ce simple détail m'avait en effet décrédibilisé. J'étais simplement Yrian, et cela suffisait à tout le monde, même à moi. Désormais, j'étais un membre à part entière de leur groupe, et rien de plus.

Ce jour-là, il faisait particulièrement froid. C'était normal : l'hiver était arrivé, et avait lui des températures glaciales. La neige se transformait presque en glace, ce qui n'était pas vraiment agréable : elle collait et irritait ma peau à la fois, dans tous les endroits où mon armure en fourrure blanche ne parvenait pas à la couvrir. J'en avais assez de la neige : j'avais beau être habitué au froid, j'avais passé trois ans dans la neige et cela commençait à me fatiguer. Je rêvais d'une journée passée au chaud, bien installé dans une maison confortable, où j'aurais pu me prélasser sans que personne ne me le reproche. Certains guerriers m'avaient dit qu'ils n'imaginaient pas meilleure situation que la guerre. Je ne les comprenais pas. Comment ces hommes faisaient-ils pour vivre pour tuer ? Cela paraissait incompatible. Et pourtant, c'était le pari fou qu'ils s'étaient lancé. Si du moins pari il y avait.
Je rampai vers un village étranger. Notre groupe s'était arrêté à quelques kilomètres de là et m'avait engagé pour inspecter le village. Je devais rapporter combien d'hommes il y avait, combien étaient armés, combien étaient de vrais combattants, quels étaient les points forts et les points faibles du village, ce qu'on pouvait en rapporter, etc. Il est difficile d'imaginer mission moins dangereuse que celle-ci. Un village, c'était ce qu'il y avait de plus faible dans l'échelle de ce que nous attaquions, une véritable armée étant l'échelon le plus élevé. Mais dans les villages, il n'y a que très peu de résistance car peu de gens y vivent et sont prêts à se défendre. Le jour, le village est assez démuni parce qu'une grande partie de sa population est au champ. Le soir, celle-ci se couche tôt. Il y a tant de villages que malgré le nombre important d'attaques envers eux, la plupart ne sont jamais inquiétés. Qui plus est, très peu d'entre eux offraient quelque chose de vraiment intéressant, si ce n'est que les autres n'étaient attaqués que par des brutes en quête de sang. L'armée royale n'en était pas réduite à cette extrémité, même avec ses ennemis. Cela faisait que les gardes tendaient à devenir négligents. Ils étaient plus attentifs à la mer, où l'on ne pouvait manquer de voir un bateau et que nos guerriers utilisaient plus régulièrement, qu'à la terre, où la surveillance est plus ardue, mais où tout peut être attribué à un animal. Le travail d'éclaireur n'était guère difficile dans ces cas-là.
À travers les fenêtres, je voyais des feux allumés par les familles et je rêvais de pouvoir m'en approcher. Cela aurait été si simple : je me serais levé, je me serais avancé vers eux, je leur aurais demandé leur hospitalité et s'ils me l'avaient accordée, j'aurais pu profiter d'un bon feu. Mais les hommes n'étaient pas idiots, ils auraient sans doute compris que j'étais un éclaireur scandinave en mission et m'auraient tué, bien que j'en aurais certainement emporté quelques uns dans la tombe. Ce n'était pas la peine. C'est également ce que je pensai après avoir fait le tour du village : aucun intérêt. Bien sûr, il n'y avait pas de résistance, ce qui en faisait une cible facile ; mais en plus le village ne disposait pas de véritables richesses et n'avait aucun intérêt stratégique : autant abandonner. C'était ce que je me dis avant de rebrousser chemin.
Sur le retour, je fus moi aussi négligent, à tel point que je fus aperçu par un jeune homme de mon âge. Il aurait sans doute sonné l'alerte si je ne lui avais pas fait signe de se taire ; et étrangement il avait obéi. Il s'avança vers moi. Il était grand et beau, avec une magnifique barbe, en plus. J'en étais assez jaloux. Lui regardait avec envie mon armure, cela me fit sourire.

« Je n'ai pas l'intention d'attaquer ce village. notai-je.
-Sans doute. Mais tu as tout l'air d'un guerrier...
- Pas un guerrier. Un assassin.
- Tu tues des gens ?
- Très peu.
- Cela suffit quand même.
- Je crois.
- Pourquoi observais-tu le village ?
- On m'a demandé de le faire.
- Qui ça ?
- Mon chef.
- Alors vous comptez attaquer ?
- Non. Il n'y a rien d'intéressant.
- Tu plaisantes, j'espère !
- Pas du tout. Vous ne sauriez pas vous défendre. Vos gardes sont trop négligents, j'ai pu faire le tour des maisons sans qu'ils me voient. Vos hommes sont fatigués, ils ne tiendraient pas face à de vrais guerriers. Votre village est même mal placé : trop loin de la rivière, si bien que vous courrez des risques en y allant, pas de route importante à proximité, accès difficile à la mer, et une forêt sauvage qui menace votre développement... Vous n'avez pas de trésor qui vaille la peine d'être récupéré. »


Le jeune homme se tut, perplexe. Puis il soupira, reconnaissant que j'avais bien raison.

« Tu es scandinave ? me demanda-t-il.
- Je le suis.
- Et tu surveilles les villages ?
- Pas que, mais c'est plutôt ça. »


Il siffla. Cela lui plaisait apparemment. Il était le fils d'un pêcheur de ce village. La saison n'avait pas été bonne, ils n'avaient que très peu à manger. Mais ils s'entraidaient, et c'est cela qui comptait pour lui. Son histoire me toucha. Si seulement mon père avait été quelqu'un de normal... J'aurais sans doute eu une vie semblable à la sienne. Il paraissait si insouciant que je l'enviais – en plus de sa barbe. J'eus alors une idée. Je sortis mon épée et la lui offrit. Il en fut étonné. Je m'expliquai :

« Lorsque tu en auras vraiment besoin, tu pourras compter sur elle, c'est une bonne lame, forgée par les meilleurs artisans scandinaves. J'espère qu'elle te sera utile. Moi, je n'en aurai plus besoin. »

Quelle folie m'avait poussé à faire ce geste ? Avant même que j'ai pu me rétracter, il l'avait déjà prise et s'était éloigné comme un loup. Il n'était déjà plus là. J'étais seul, et partiellement désarmé. Il était temps que je revienne au campement.
Le capitaine m'accueillit avec sa froideur habituelle. Ce n'est guère agréable lorsqu'on vient à peine de quitter les étendues enneigées. Sa première question fut de me demander où était mon épée. Je répondis que je l'avais perdu, et il soupira tout en se plaignant de mon inconscience. Néanmoins, il n'aurait pas osé se mettre en colère contre moi. Le nom de Lykke était trop renommé pour cela. Il se contentait de se montrer sévère et juste, de telle sorte à ce que je ne puisse pas m'en plaindre moi-même. C'était très intelligent de sa part. Il décida alors qu'il ne me remettrait pas d'épée tout de suite, que la véritable raison serait expliquée le soir-même et qu'il ne tenait pas à m'avantager. J'étais d'accord. Puis il me demander de faire mon rapport, et je m'exécutai tristement. Il se rangea à mon avis et décida de ne pas attaquer le village. J'étais soulagé : il ne verrait pas que j'avais donné mon épée à un jeune inconnu du village. Et mon soulagement fut complet quand il annonça que nous partions le lendemain matin : en effet, nous allions enfin pouvoir prendre une semaine de repos à la capitale ! Cette déclaration fut accueillie avec joie. Pour ma part, j'espérais que mon père s'y trouverait aussi.

Nous rangeâmes nos affaires avant de nous coucher, si bien que le matin, nous n'eûmes qu'à petit-déjeuner avant de reprendre la route. Les villageois n'avaient peut-être pas encore remarqué la nouvelle épée dans leur village, et s'ils le découvraient un jour, nous serions loin. J'étais même fier de moi, parce que le fait de céder mon épée m'avait donné une idée. J'en avais assez de ramper dans la neige, d'avoir le corps rouge et endolori par le froid, de n'être plus capable de me réchauffer. J'aimais cette manière de vivre et de tuer, mais je voulais plus de la liberté. Je n'étais pas fait pour suivre les règles dictées par des hommes moins charismatiques mon père. Leur désobéir faisait du bien, tandis que désobéir à mon père... je n'avais même pas osé y songer... jusqu'à présent. Je savais ce que je voulais. Je voulais juste son approbation, et je me passerais de celle du roi.
Bien sûr, je fus mis à contribution durant le voyage, et d'autant plus souvent que le capitaine pensait que j'avais dépassé les bornes en perdant mon épée. Je dus donc ouvrir la marche et repérer le chemin. C'était une tâche rendue difficile par la neige ; à chaque fois qu'elle tombait, elle modifiait un peu l'aspect des paysages, si bien que plus le temps passait, moins je savais où nous nous trouvions. Lorsque je découvris une borne indiquant que la capitale n'était pas loin, j'en fus soulagé. Mes compagnons aussi, d'ailleurs : je suppose qu'ils avaient pensé que j'allais les perdre. Mais ça n'avait pas été le cas, et nous arrivâmes à la ville à la bonne heure.
L'ambiance est festive. En effet, ils célébraient je ne sais quelle fête insignifiante dont je m'en fichais totalement. Les soldats étaient pour la plupart ravis de cet intermède, si bien qu'ils se laissèrent entrainer par la foule. Même si j'avais voulu les suivre, le capitaine n'aurait pas voulu : je devais amener avec d'autres hommes nos affaires de voyage au Hall des Guerriers. Il fut difficile de se frayer un chemin, mais nous réussîmes finalement à atteindre le Hall.
Le Hall est une gigantesque pièce circulaire. Elle est toute faite de pierre blanc et était jadis ouverte sur l'extérieur ; mais mauvais temps oblige, les brèches avaient été colmatées. On y trouvait les statues des divinités utiles à la guerre, un marchand de soupes ainsi qu'un bureau d'accueil administratif. Les guerriers pouvaient loger dans les sous-Hall s'ils le désiraient ; c'était pratique pour tous ceux qui n'habitaient pas en ville et y séjournaient durant leur repos. Pour ma part, je n'avais pas l'intention de m'y éterniser. Je négociai un logement minuscule avec une chambre et une salle attenante de vie. Après quoi je rangeai les affaires de mes camarades dans un coin, puis je sortis dans l'arrière cour du Hall : c'était là qu'on accédait aux sous-Hall, des bâtiments rectangulaires et austères très bas. Quelques hommes s'y affairaient. Il était étrange de penser que c'était le Hall des Guerriers : j'y résidais sans en être un. Mais la condition d'éclaireur m'autorisait à y entrer, et si cela n'avait pas suffit, mon simple nom aurait fait l'affaire. Je m'installai dans le logement et y restai le reste de la journée. J'avais passé tellement de temps à l'extérieur dans la neige que je n'avais plus du tout envie de sortir.


Le lendemain

Le lendemain fut le jour de la visite à mon père. Après m'être renseigné auprès du Gardien du Hall, il s'était avéré que mon père s'y trouvait bel et bien ce moment-même. C'était une chance, mais cela m'étonnait guère, car il passait régulièrement à la capitale. Ses visites, à ce qu'on m'en avait dit, étaient plus répétées depuis que j'étais parti. J'ignorais ce qu'en pensait ma mère, mais il était certain qu'il ne lui avait pas demandé son avis. J'avais même obtenu son adresse et les heures auxquelles je pourrais le trouver chez lui. Le matin-même, je m'y rendis. À l'entrée, deux gardes surveillaient les environs, ils avaient l'air bien entrainés. Je m'avançai vers eux, me présentai et expliquai le motif de ma venue. Ils m'écoutèrent avec attention, puis l'un d'entre eux disparut dans la maison pendant quelques minutes avant de revenir m'annoncer que je pouvais entrer.
Le couloir est sombre, étroit et mal éclairé, mais je savais que mon père n'y accordait aucune importance, parce que ce n'était pas une pièce de vie. La porte du fond menait à une cour où il avait sans doute fait pousser quelques plantes. Juste à côté se dressait un escalier de bois qui conduisait au premier étage, où se trouvaient les chambres. En face, une ouverture permettait d'accéder à la pièce principale : le salon, la cuisine, la salle à manger et le feu. Je sentais sa chaleur qui arrivait jusqu'à moi et je trouvais cela agréable, car au Hall, ils ne chauffaient pas autant les logements. C'était une maison très peu spacieuse et luxueuse, en décalage avec ce qu'on attendrait d'un homme du rang de mon père. Néanmoins, ce n'était pas sa résidence principale, cela expliquait sans doute quelque chose. J'avais séjourné ici une fois, il y a trois ans, pendant les quelques jours que j'avais passé à la capitale avant que je ne rejoigne l'armée royale. Je savais qu'à ma droite, c'était son armurerie, tandis qu'à gauche était la salle à vivre. Je m'y dirigeai, sachant que c'est ici que je préférais être reçu.
Effectivement, mon père s'y trouvait en compagnie d'un de ses subalternes. Ils discutaient stratégie jusqu'à mon arrivée ; le subalterne commençait à présent à ranger les cartes qu'il avait sorti. Je le laissai faire, puis j'attendis patiemment que celui-ci sorte. Leur discussion serait remise à plus tard. Mon père me fit signe de m'asseoir à la table avec lui. Je m'exécutai.

« Que me vaut ta visite ? »

L'accueil était aussi chaleureux qu'on pouvait en attendre de lui ; au moins il avait abandonné le ton autoritaire qu'il prenait quand il faisait son travail, pour adopter le ton autoritaire qu'il prenait lorsqu'il était en famille.

« Discuter de mon avenir, si cela ne vous dérange pas. »

Il parut subitement intéressé. Si je lui avais dit que j'étais venu pour le plaisir de le voir, il m'aurait sans doute sorti une remarque désagréable et agressive, d'autant plus que j'avais interrompu une discussion stratégique de la plus haute importance – puisqu'il s'en chargeait lui-même, et chez lui, en plus ! Sans doute même était-elle confidentielle... Cela ne lui aurait pas plu. Mais ma raison lui semblait suffisamment bonne pour qu'il m'accorde son attention. C'est bien cela, le problème avec les gens importants : chacun veut qu'ils l'écoute, qu'ils lui accordent du temps et de l'attention, qu'ils lui donnent de l'importance. Le résultat était qu'ils en devenaient très sélectifs sur les personnes qu'ils fréquentaient et sur les sujets qu'ils abordaient. Au moins avait-il mon avenir à cœur, c'était déjà cela.

« Expose ton problème. »

C'était sec et autoritaire. Difficile de se défiler. Je pris une grande inspiration : je sentais que j'allais en avoir besoin. Car peut-être croyait-il que j'allais lui faire des reproches, et il ne l'aurait pas accepté.

« Ce n'est pas vraiment un problème. Mais disons que je souhaiterais changer d'air.
- Changer d'air ?
me demanda-t-il d'un air soupçonneux.
- Oui. Voyez-vous, cela fait trois ans que je passe mes journées dans la neige. À force, je suis glacé. »

Il garda le silence. J'interprétai cela comme une invitation à continuer.

« Le métier d'éclaireur me correspond bien, vous savez. J'y excelle, à ce qu'on m'a dit. C'était très peu modeste, mais je considérais cela comme une manière de le complimenter avant tout. À présent, j'aimerais passer à autre chose.
- Soit. »


J'attendis patiemment sa réponse. Il fallait qu'il y réfléchisse, et il était hors de question que je le brusque, surtout que je n'en étais encore qu'au début de ce que je comptais lui annoncer et que ce que je gardais pour la fin allait être difficile à annoncer. Mais quand il reprit la parole, j'eus toutes les raisons d'être soulagé :

« Pourquoi pas. Cela m'aurait même étonné si tu avais voulu y rester pendant longtemps. Un Lykke a de l'ambition, c'est certain. J'accepte ta démission. Je vais d'ailleurs m'en charger dès ce soir. »

Je le remerciai. Mais il sentait bien que je n'avais pas encore fini. J'avais encore quelque chose à lui dire.

« En fait, je veux partir à l'aventure. »

Il accueillit froidement ma déclaration. Je continuai :

« J'ai envie de voir du pays, de m'évader, d'aller au Sud... voir ce qu'il y a... mener une vie nouvelle...
- Je comprends très bien que la vie que tu mènes ici ne te convienne pas. Mais es-tu sûr de ta décision ? Crois-tu que cela doit t'encourager à tout abandonner, y compris ta famille, pour aller vivre un rêve qui pourrait bien virer au cauchemar, pour risquer ta vie et peut-être mourir sans honneur ? »


La tâche était ardue, je le reconnais. Il acceptait bien le fait qu'en tant qu'adulte, je gère ma vie comme je le souhaitais. Il était certes autoritaire, mais il attendait beaucoup de moi. Néanmoins, j'étais encore jeune et peut-être, comme tous les jeunes, un peu trop enthousiaste. Il pensait sans doute que je manquais de réflexion, que j'étais trop impulsif. À présent que j'y repense, je me demande parfois s'il n'avait pas raison. Mais on ne peut revenir en arrière. Quoiqu'il en soit, j'étais sûr de moi à cette époque, c'est pourquoi je n'hésitai pas :

« J'y ai réfléchi, vous savez. Parfois, je n'avais que cela à faire, quand je rampais dans la neige. Vous voulez que, tout comme vous, je prenne mon destin en main, n'est-ce pas ? Vous pensez aussi que c'est à moi de créer quelque chose d'inédit, un style, alors pourquoi pas un mode de vie ? Il est vrai que j'abandonnerais beaucoup, en particulier ma famille. J'ai bien conscience que cela va me manquer. Mais je ne fais pas partie de ce monde. Je ne suis pas un guerrier, je ne suis pas construit comme un vrai scandinave, je n'ai pas de barbe. Pourquoi ne pas tenter ma chance ailleurs, dans un monde qui me ressemblera peut-être plus ? Ici, ma seule gloire est de porter votre nom. Peut-être que là-bas, tout cela n'aura plus aucune importance. Personne ne s'intéressera à ce que je ferai, parce que personne ne saura qui je suis et d'où je viens. C'est une liberté et une innovation que je recherche. Ce n'est pas qu'une simple crise d'identité. »

Je remarquai alors un éclat étrange de savoir dans ses yeux. Il semblait soudain avoir pris conscience de quelque chose qui modifiait toute sa vision des choses.

« Je me rends compte... Depuis que tu es là, j'ai tout fait pour que tu réussisses par tes propres moyens... Mais tu ne semblais pas adapté à la vie que je te proposais... Ce n'était pas important, bien sûr, je voulais juste que tu réussisses... ici. Parce que la gloire d'un homme passe aussi par celle de son fils. Je savais que tu n'étais pas destiné à la gloire. J'ai tenté de te forger un destin, mais j'ai oublié quelque chose d'essentiel... Et ce qui est paradoxal, c'est que je ne l'avais pas oublié vraiment, mais que j'en avais oublié certains aspects : tu es mon fils. Bien sûr, je voyais la gloire et l'avenir que tu te construirais... Parce que je savais que tu avais cette ambition dans le sang. Mais j'avais oublié que tu devais le faire seul, car je sentais le poids que j'aurais sur toi. Mais je l'interprétais sans doute mal. Je voyais cela comme une influence positive, alors qu'en réalité, tu avais déjà à souffrir de porter un nom glorieux. Forcément, j'en attendais trop de toi, et les autres aussi, parce que j'étais là, moi, dans toute ma puissance et ma superbe... aussi aveugle qu'un hibou en plein jour. »

Je n'osais plus briser le silence. Même dans ce cas, il imposait le respect, et même un respect encore plus grand que celui que j'avais habituellement pour lui. C'était étrange, mais je n'osais plus parler. J'aimais ses paroles, je les trouvais si justes... Je ne me sentais pas capable d'y répondre dignement. Finalement, il reprit :

« C'est la malédiction de mon rang, dira-t-on. Il paraissait plus joyeux, de nouveau plus déterminé. À trop diriger, on finit par tout diriger. Mais qu'importe. Si tu veux partir, pars, tu as ma bénédiction. Mais sache que cela ne m'enchante pas. Car si tu pars, nous ne nous reverrons sans doute jamais. Tu n'auras plus aucune de mes nouvelles, comme je n'aurais plus des tiennes. Si tu meurs, je ne le saurais pas, et toi de même si je venais à mourir. Tu risqueras ta vie sur la route et il te suffira d'une erreur pour être conduit à ta perte. Mais tu t'es choisi un destin de vagabond... Pourquoi pas, après tout. Il est temps que tu voles vraiment de tes propres ailes, je t'ai assez bien éduqué pour cela.
- Merci.
- Il est quand même étrange que tu te plaignes du froid et de la neige alors que quand tu partiras, tu te retrouveras en plein dedans.
- Mais il arrivera certainement un moment où il fera trop chaud pour la neige.
- Ou alors tu t'établiras quelque part où tu te sentiras bien.
- Sans doute. »


L'instant émotion était passé. Il était désormais persuadé que c'était la meilleure chose à faire. Et comme à chaque qu'il était convaincu de quelque chose, il prit la situation en main :

« En ce qui concerne la date de ton départ, je veux en fixer moi-même la date, cela me permettra de m'arranger pour te dire adieu. Je te laisserai assez de temps pour que tu puisses t'organiser comme il faut, cela, tu géreras tout seul. Pour l'instant, tu as un endroit où loger ?
- J'ai passé la nuit aux Hall des Guerriers, mais puisque je quitte l'armée royale, je vais devoir chercher un autre logement.
- Inutile, je m'arrangeai avec le Gardien. Et au niveau de l'argent, tu as tout ce qu'il te faut ?
- Je crois.
- Quoiqu'il en soit, si tu en manques, n'hésite pas à m'en demander, je serai ravi de t'aider à prendre un bon départ. Et tu partiras seul ?
- Oui.
- Achète-toi un bon équipement, alors. Et maintenant, si ça ne te dérange pas, j'aimerais que tu me laisses, j'ai des choses à faire. »


Je réprimai un sourire. ''Si ça ne te dérange pas''... C'était plus poli qu'autre chose, il voulait que je parte, et je n'avais qu'à obéir. Je le saluai rapidement avant de sortir, puis je m'arrêtai dans une taverne pour commencer ma planification.

Le soir, quand je retournai au Hall des Guerriers, deux nouvelles m'attendaient. La première venait du Gardien, qui m'annonçait que je pouvais disposer du logement aussi longtemps que je le souhaitais. Ce n'était pas très réglementaire, mais c'était un ordre de Ráðúlfr Lykke, après tout... Ensuite, je rencontrai le capitaine de l'ancien groupe où j'étais éclaireur qui m'annonça qu'il avait bien reçu la lettre de démission signée par mon père lui-même et qu'il l'acceptait. Il était d'ailleurs enchanté d'avoir reçu une lettre de lui. Je suis certain qu'il l'a conservée.

Les semaines suivantes furent consacrées à la préparation de l'expédition. Mon père m'invita parfois pour se renseigner sur les détails, comme les armes que j'emporterai, comment je gérerai la nourriture, ce que je prendrai... J'en profitais également pour rendre visite à ma mère et à mes sœurs, les adieux furent remplis de larmes, mais je savais que cela ne les dérangeait pas tant que cela, puisqu'elles ne me voyaient jamais.

Le jour du départ

Il était encore tôt et il faisait froid. Il y avait encore de la neige un peu partout dans les rues. Il fallait s'éclairer à l'aide de torches pour ne pas trébucher. Mon père marchait à côté de moi. J'entendais sa respiration presque silencieuse, je voyais la buée qui sortait de ses lèvres quand il me parlait. Ça n'était jamais quelque chose d'important, il me faisait parfois des remarques sur le temps, parfois sur la ville en elle. S'il était bouleversé par mon départ, il ne le montrait pas du tout. Quant à moi, j'étais loin d'être aussi serein, mais il me rassurait par ses paroles douces. Il avait sans doute senti mon agitation. Les rues étaient presque vides, et un bon nombre de ceux qui s'y trouvaient s'arrêtaient en reconnaissant le grand seigneur Lykke. Parfois, je percevais leur murmure à travers le vent.
Finalement, nous atteignîmes le bout de la ville. L'entrée était gardée par plusieurs guerriers qui avaient l'air frigorifiés ; mais ils se tenaient bien droit à cause de mon père. Mais il ne faisait pas attention à eux. Je retenais toute son attention. Nous nous dîmes adieu, puis je partis, seul dans la neige.


Quatrième épisode

Je vis désormais à Athènes depuis trois ans et je suis ce qu'on appelle un métèque. Quoiqu'on me qualifie aussi volontiers de barbare. J'ai l'habitude, à force. Depuis que je suis là, je porte les cheveux courts et des vêtements plus adaptés au climat doux de la Grèce. J'ai quitté mes fourrure, bien que je conserve toujours la blanche dans un vieux coffre. Je vis seul, mais cela ne me gêne pas. Je me débrouille très bien tout seul, et puis, j'ai tout mon temps. Je suis l'évolution de la démocratie avec une attention mitigée. J'ai quelques amis en ville, que je rencontre parfois, mais cela s'arrête là. Ma vie reste assez vide parce que j'en avais assez des routes. Je voulais une vie vide, et je l'ai eu.

Après mon départ, j'ai vagabondé trois ans sur les routes. D'abord, je souffrais beaucoup de l'absence des miens, puis je m'y suis habitué. C'est une douleur toujours présente, bien sûr, mais j'arrive à en faire abstraction. J'ai vu durant mon voyage de véritables merveilles. Je me levais en même temps que le soleil et me couchais après lui, comme si je voulais toujours garder une avance sur lui en restant éveillé plus longtemps, mais sans pour autant partir après lui. Passé les pays glacés du Nord, je rencontrai la douceur du printemps, la rosée du matin sur les feuilles, si rafraichissante, les petits papillons qui volent auprès des feuilles, la nature dans toute sa splendeur. J'ai vu d'immenses cascades aux eaux fraiches ainsi que des montagnes aux sommets toujours enneigés. J'ai vu la mer, si belle et si brillante, à l'odeur si particulière, une odeur inoubliable, que je ressens parfois quand je vais dans les plus bas quartiers d'Athènes. Mais cela n'a plus la même saveur. Je revois les terribles ours et les sombres loups, les sournois renards et les petits oiseaux, les magnifiques cerfs et les doux lapins. Ce voyage était exceptionnel. Il n'y a pas de mot pour décrire toutes les merveilles que j'ai vu. Et la solitude y ajoutait un charme particulier, bien que j'ai quelquefois passé mon chemin avec d'autres voyageurs. Je me suis parfois aussi arrêté en ville ou dans les villages pour me réapprovisionner. Les rencontres humaines n'étaient pas tout le temps chaleureuses : j'ai même croisé quelques brigands qui, trompés par ma taille chétive, m'ont pris pour une cible facile. Ils ne sont bien sûr plus de ce monde pour en témoigner. Certains voyageurs étaient très désagréables et portaient un regard hautain sur la nature ; je les ai quitté dès que j'ai pu. Dans les villages, certaines personnes voyaient d'un mauvais œil le passage d'un homme du Nord, ils me faisaient plus cher leur denrée qu'à leurs camarades. Quelquefois, les gens étaient sympathiques. Il m'est arrivé de dormir chez l'habitant, qui m'avait généreusement offert un toit pour la nuit. C'était très agréable par temps de neige. Les autres fois, je dormais à l'auberge. Pour me payer ces nuits-là, j'aidais parfois les paysans. Les autres fois, je dormais à la belle étoile, ce n'était pas si désagréable que ça, car j'avais le ciel pour moi tout seul au dessus de moi. Même si je ne le voyais pas, je sentais son immensité et cela m'enchantait.
Et puis, un jour, j'avais presque vingt-trois ans, j'ai songé à m'installer quelque part. J'avais l'impression d'avoir eu ma part de belles choses pour toute ma vie, je m'estimais chanceux. Mais il fallait songer à s'établir quelque part avant que je devienne trop vieux : ainsi, si je me trompais, je pourrais changer sans problème. Ma terre d'asile fut la Grèce. Je séjournai un temps dans un petit village près des montagnes, mais cette vie reculée ne plaisait guère. Je ne me sentais pas à ma place ici non plus. Tous ici se connaissaient, mais j'étais un étranger pour eux. Je sentais déjà leur regard inquisiteur. Mais en plus, la vie agricole ne me correspondait pas. J'avais abandonné les armes quand j'étais venu ici car je m'acceptais mal en tant qu'assassin ; qui plus est, ma route n'était pas dénuée de sang : j'avais bien tué des personnes qui s'étaient opposées à moi. Je recherchais la paix, mais la tranquillité me pesait. Je me rendis compte que je souhaitais quelque chose de plus animé, où je pourrais me fondre dans la masse tout en étant particulier du fait de ma nationalité.
Aussi me dirigeai-je vers la plus grande et la plus glorieuse cité de l'époque. Athènes.

La question que je dois me poser est : est-ce que je regrette mon choix ? Je me le suis demandé de nombreuses fois depuis mon arrivée ici et je n'ai jamais vraiment réussi à répondre. Je pense que je ne pourrais pas trouver et que cette manière de vivre suffit à un homme comme moi. Mais aurais-je voulu une gloire semblable à celle de mon père ? Je ne sais pas. J'aurais voulu d'une gloire différente, je suppose. Ici, je ne me suis pas tant enrichi que cela. Mon nom n'est pas reconnu comme étant celui d'un grand seigneur, à part peut-être quelques métèques de mon pays qui ont entendu parler de lui ; mais ils sont minoritaires. C'est à double tranchant : et de dire qu'on n'attend rien de moi parce que je ne suis personne est paradoxal : on peut très bien penser que l'absence de mon père fait oublier ma présence. On peut aussi penser que je ne suis personne parce que je ne me suis pas encore bâti un nom ici. C'est assez compliqué. J'aime cela et en même temps, cela me dérange. Disons que je vais tout devoir faire par moi-même.

Le jour de mon arrivée à Athènes, je suis allé voir un homme qui désirait vendre une maison. Je la trouvais très agréable, mais elle lui rappelait de trop mauvais souvenirs parce que sa femme y était morte. Qui plus est, il s'était considérablement enrichi, à tel point qu'il avait pu se payer la villa grand luxe ; il n'avait que faire d'une petite maison comme celle-ci. Avant de conclure, il me posa une question très personnelle :

« Excuse-moi de te demander cela, ami... Mais tu es étranger. D'où viens-tu, au juste ? »

Pas un instant je n'hésitai à répondre :

« Skandinavien ! »




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Daphnê Echo.
Daphnê Echo
Messages : 255
« Skandinavien ! » • Yrian Lykke  Vide
MessageSujet: Re: « Skandinavien ! » • Yrian Lykke    « Skandinavien ! » • Yrian Lykke  EmptyLun 29 Nov - 19:32

Yrian Lykke a écrit:

Corpulence : Yrian est quelque peu chétif. Il n'est pas très grand et pas des plus musclé.


Parce que c'est un loup-garou? \o/ *part se pendre, quelque part, très loin*
Re-bienvenuuue « Skandinavien ! » • Yrian Lykke  236373 Et j'ai lu les deux derniers épisodes de ta fiche, j'aime beaucoup! J'ai très, très envie d'un lien, on verra bien si on arrive à en trouver un...
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Yrian Lykke.
Yrian Lykke
Messages : 215
« Skandinavien ! » • Yrian Lykke  Vide
MessageSujet: Re: « Skandinavien ! » • Yrian Lykke    « Skandinavien ! » • Yrian Lykke  EmptyLun 29 Nov - 19:39

Je suis partant pour le lien. (=
Et re-merci.

Non, je crois que le loup-garou, c'est parce que naturellement j'ai tendance à me tourner vers des personnages de ce type. ^^

Pauvre Oréo, qui va devoir tout lire. Je suis un s*laud tout de même (sauf que j'existe)
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Orion Attis.
Orion Attis
Messages : 881
« Skandinavien ! » • Yrian Lykke  Vide
MessageSujet: Re: « Skandinavien ! » • Yrian Lykke    « Skandinavien ! » • Yrian Lykke  EmptyLun 29 Nov - 20:48

ET BAH J'AI TOUT LU *out*
Et j'ai beaucoup aimé. Smile Ton style est juste super fluide.

Tu es donc validé.
Tu peux désormais poster dans l'ensemble du forum et voter pour faire connaitre AM. Wink

Bon jeu à toi Yrian ! « Skandinavien ! » • Yrian Lykke  236373 « Skandinavien ! » • Yrian Lykke  340873
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« Skandinavien ! » • Yrian Lykke  Vide
MessageSujet: Re: « Skandinavien ! » • Yrian Lykke    « Skandinavien ! » • Yrian Lykke  Empty

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« Skandinavien ! » • Yrian Lykke

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