« Car le feu qui me brûle est celui qui m’éclaire. »
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 « Car le feu qui me brûle est celui qui m’éclaire. »

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Daphné Philippine.
Daphné Philippine
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« Car le feu qui me brûle est celui qui m’éclaire. » Vide
MessageSujet: « Car le feu qui me brûle est celui qui m’éclaire. »   « Car le feu qui me brûle est celui qui m’éclaire. » EmptyLun 13 Fév - 16:13


« Car le feu qui me brûle est celui qui m’éclaire. »
Etienne de La Boétie


La fille d'Icare n'arrivait pas à trouver le sommeil. La nuit était chaud et humide et, malgré les portes ouvertes de toute la maisonnée, aucun courant d'air ne semblait vouloir venir lui porter son aide en la berçant de son souffle frais. Etait-ce un présage ? Peut-être bien... Cependant, il n'était pas rare que la douce Daphné soit prise d'insomnies et après avoir passé un temps infini à se tourner et se retourner sur sa couche, elle finit par se lever afin d'aller se rafraîchir à l'aide d'un peu d'eau... Malheureusement, l'eau de son pot était tiède et donc d'aucun secours. Elle savait qu'elle ne pourrait se rendormir aussi, elle décida d'aller chercher ce courant d'air qui ce soir la fuyait tant. Elle prit soin de ne point faire de bruit afin de ne pas réveiller Orion : s'il venait à la surprendre durant l'une de ses sorties nocturnes, il se capable de la marier dès le lendemain au premier venu pour ne plus avoir à la surveiller lui-même... Bien sûr, elle exagérait, son frère l'aimait bien trop pour choisir sans prendre le temps de la réflexion un homme pour sa soeur, mais elle savait qu'il serait dans une rage noire et c'était suffisant à la jeune fille pour qu'elle reste maître de sa discrétion.

Elle marcha sans but, levant simplement la tête au ciel afin de cueillir au vol l'air frais de la nuit. Elle se sentait mieux, plus apaisée, prête à aller se recoucher et à trouver le sommeil. Seulement, elle avait marché bien plus longtemps que ce qu'elle aurait pu imaginer : elle se trouvait désormais au coeur de la ville d'Athènes, seule, la nuit. La ville pouvait être aussi sûre la journée qu'elle était dangereuse la nuit. Daphné commença alors à paniquer légèrement, ayant du mal à se repérer. Elle ne savait plus exactement où elle était, comment rentrer chez elle. Elle finit par voir un bâtiment plus familier que les autres et retrouva sa route. Tout en marchant, elle sentit l'air se réchauffer, s'alourdir. Son nez la démangeait, ses yeux commençait à la brûler... C'était ça ! Une odeur de brûlé ! Elle regarda alors franchement autour d'elle et non plus seulement ses pieds et constata qu'une fine pellicule de fumée avait recouvert la ville. Elle chercha à voir à travers ce brouillard et vit des flammes s'élever haut dans le ciel... Elles prenaient source dans le quartier des temples ! Oubliant sa peur, Daphné se mit à courir dans cette direction : les Dieux devaient être secourus, leurs lieux étaient en danger. Voilà tout ce à quoi elle pensait.

La fumée était si dense sur place qu'elle ne réussissait pas à voir d'où provenait les flammes. quel temple avait été touché ? Quel Dieu risquait de perdre l'un de ses biens ? Elle n'en savait rien. Ses vêtements commençaient à lui coller à la peau, elle se mit à tousser. L'air était difficilement respirable. Elle vit de l'agitation : hommes, femmes, enfants se démenaient pour éteindre les flammes. On lui flanqua un récipient vide dans les mains sans lui demander son avis. D'instinct, Daphné se précipita vers le point d'eau le plus proche, non sans difficulté. Elle le remplit et alla au plus vite rejoindre le lieu des flammes. Des mains lui prirent le récipient, d'autres lui en confièrent un nouveau... Elle ne savait pas avec qui elle travaillait mais cela importait peu...

Et si des personnes étaient coincées au milieu des flammes ? Y avait-il des personnes qui étaient allées les secourir ? Toutes ces questions taraudaient notre belle athénienne tant et si bien qu'elle ne se concentra plus sur le chemin déjà peu visible : elle entra en collision avec une personne dans une violence inouïe. Elle tenta de s'excuser entre deux quintes de toux : « Veuillez recevoir mes plus plates excuses... Il faut faire vite... »


Dernière édition par Daphné Philippine le Dim 11 Mar - 8:44, édité 1 fois
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Néoptolème Maxence.
Néoptolème Maxence
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MessageSujet: Re: « Car le feu qui me brûle est celui qui m’éclaire. »   « Car le feu qui me brûle est celui qui m’éclaire. » EmptyMer 15 Fév - 23:33

Il est si tard dans la nuit, et l'air si sombre. Que peut bien faire Néoptolème dans cette étrange et moite atmosphère ? Il déambule, il marche au hasard. Son errance n'a pas beaucoup de sens, sinon à lui-même. Quelque chose s'est remué en lui, comme une larve qui le ronge de l'intérieur. Là où elle se contentait, autrefois, de se loger dans son cœur et de titiller ses sentiments, voilà qu'elle l'attaque dans le corps tout entier. Il ressent ses fourmillements partout : son ventre se tord comme une peur sourde le prend soudain, ses bras tremblent dans la chaleur la plus torride. La larve est là, à le creuser un peu plus chaque jour. Jamais il n'a ressenti une telle douleur. Autrefois, il souffrait du passé et de son manque d'avenir. Il pleurait, il tournait ses regards vers les morts. Mais à présent, tout se complique. La mort est toujours là, mais dans un registre différent. Ce n'est plus sa mort, ni celle de sa famille qu'il sent en lui. C'est une autre ; mais la mort de qui ? il l'ignore. Et la souffrance est autre également : elle commence à s'extérioriser, à se détacher des sentiments. La nuit est propice est calme. A moitié ensommeillé, car exténué par une journée de travail, Néoptolème devrait déjà être rentré. Il n'a rien mangé ce soir, et son estomac commence à protester sérieusement. Il a bien avalé quelques grains de raisin, achetés au marché sans vraiment s'en rendre compte, avalés avec lenteur, un délice pour sa gorge affamée. Il ne se sent pas particulièrement bien, mais cela le rend serein et heureux, comme si faire du mal à son corps lui permettait de se libérer d'une part de ses émotions négatives.
Pourquoi la place des Temples, là où les dieux, en théorie, posent leur regard sur les hommes ? Néoptolème y est venu d'instinct. Comme un nouveau-né qui ne sait pas ce qui lui arrive, faible dans ce monde qui l'engloutit et le torture, il recherche une présence, une intelligence protectrice qui le prendrait pas la main pour l'éduquer, le reconstruire et le mettre sur le chemin de la vie. Il ne croit plus aux dieux, pourtant - du moins, ne croit plus que ceux-ci peuvent encore les sauver. Il ne les hait pas pour autant : il leur est juste indifférent. Qu'importe s'ils se vengent sur Athènes toute entière, il a déjà assez payé comme cela. Souffrir plus, alors que tout manque d'exploser en lui, qu'il sent la douleur vivre incessamment avec lui, ne lui fait pas peur : d'une certaine manière, il est préparé à cela. Le peuple souffrirait plus que lui.
Une odeur vient chatouiller son nez délicat. Odeur de fumée. Néoptolème s'extirpe légèrement de sa léthargie, intrigué par la coïncidence. Un feu assez fort - un incendie donc - alors qu'il morigène les dieux et se dit insensible ? On dirait presque un signe, c'est amusant. Donc il y a un incendie au moment même où Néoptolème doute des dieux, et se dit prêt à assumer toutes les catastrophes. C'est le moment d'aller voir. Il surmonte sa répugnance première. Le feu, cela lui rappelle les flammes de sa maison, toute sa vie joyeuse et insouciante qui part en fumée. Le feu fait écho à ses souvenirs, mais de façon relativement inattendue. Jusque là, il se serait écroulé dans un coin, repassent en boucle la scène fatidique qui le hante tant. Mais dans cet instant de errance, où perdu il ne pense plus vraiment, il parvient pour la première fois à canaliser le flux. Les mémoires sont douloureuses, il ferait mieux d'attendre. Il parvient, avec un peu d'effort, à se concentrer sur le présent. Il se décide enfin à avancer, à aller voir ce qu'il se passe - comme si cela pouvait faire office d'exorcisme, qu'en voyant ce malheur tomber sur d'autres, il se sentirait moins seul. Néoptolème n'est pas un voyeur qui a envie de se réjouir des déconvenues des autres. Non, il veut juste se sentir un peu plus compris par la cité dans laquelle il habite, et à laquelle il est censé contribuer.
Alors qu'il arrive à proximité des lieux, et discerne à travers la fumée le bâtiment en flammes - le feu crépitant remue quelque chose en lui, il se sent mal et presque suffoque pour autre chose que la fumée -, il sent un corps qui arrive dans le sens exactement inverse. Mais il n'a pas le temps d'éviter la collision : le corps le frappe, et Néoptolème se sent aussi bousculé physiquement que dans son intériorité. Il se remet un peu sur pied, entend une voix familière lui dire :

    « Veuillez recevoir mes plus plates excuses... Il faut faire vite... »

Néoptolème distingue, à travers la fumée, un visage connu, associé à la voix. La sœur d'Orion, Daphné. Sa première pensée est que, si son frère les voyait à cet instant précis, il serait furieux, et Néoptolème passerait un sale quart d'heure. De toute façon, Néoptolème n'a rien d'un profiteur. S'il voit Daphné, il est prêt à l'aider, ne serait-ce parce qu'il préférerait que dans son cas, Orion fasse de même avec sa Daphnê. Il tolérerait toujours plus une rencontre par hasard mais bénéfique pour sa sœur, plutôt que d'apprendre qu'Orion l'avait laissé seule dans un lieu dangereux.

    « Bonsoir, Daphné, salue-t-il. Qu'est-ce que tu fais là ? »

Néoptolème n'est pas du tout affolé par l'incendie et les conséquences qu'il peut avoir. De fait : il en a connu un qui l'a bien plus touché, et qui lui paraît pire. Cet incendie, là, en comparaison, ce n'est rien. Il n'a pas particulièrement l'intention d'aider : la cité ne l'a pas aidé lors du drame de sa vie, alors pourquoi le ferait-il en retour quand la cité a besoin de lui ? Il fallait le sauver d'abord pour qu'il reste un citoyen modèle. Mais personne n'est venu, et personne ne se soucie de la mort horrible de la famille de Néoptolème. Alors maintenant, ça y est. Néoptolème préfère être monstrueux que de rendre servir qu'aux responsables indirects de ses malheurs.
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Yrian Lykke.
Yrian Lykke
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MessageSujet: Re: « Car le feu qui me brûle est celui qui m’éclaire. »   « Car le feu qui me brûle est celui qui m’éclaire. » EmptyVen 17 Fév - 23:24

L'odeur de cendre qui régnait dans la chambre d'Yrian lui fit d'abord croire qu'un incendie venait de se déclarer chez lui. Se réveillant en sursaut, le jeune Scandinave bondit de son lit, mais le noir le plus profond l'entourait. L'odeur, pourtant, était présente. Si le feu avait pris dans sa maison, il s'en serait rendu compte tout de suite, car aucune source de lumière externe n'éclairait son domaine nocturne. Rassuré, le jeune homme se détendit. Cela ne signifiait pas pour autant qu'il ne risquait rien : l'incendie devait être suffisamment proche pour qu'une odeur aussi tenue que la cendre parvînt jusqu'ici. Yrian ne songeait pas un instant que son ancienne fonction d'éclaireur l'avait habitué à sortir du sommeil dès qu'une odeur menaçante se faisait sentir. Si le feu se déclarait dans un quartier proche, le risque était qu'il se propage jusqu'à son foyer. Sans être particulièrement attaché à sa demeure athénienne, Yrian désirait avant toute chose protéger son bien le plus précieux : sa fameuse armure de fourrure blanche qu'il conservait précieusement dans un coffre de sa chambre, dernier vestige de sa vie passée.
Yrian hésitait à se recoucher. Il était fatigué, et puisqu'il se sentait attaché au lourd coffre, il préférait autant rester près de lui. Mourir à côté de son armure n'avait jamais été envisageable ; il avait bien sûr songé à mourir avec elle, ou bien sans, mais pas dans cette situation de proximité interdite. Il détourna son regard du coin sombre où celle-ci reposait. Cette mort-là n'était pas une fatalité, s'il avait le temps de s'enfuir avec elle. Il n'était pas spécialement riche, aussi pouvait-il aisément recommencer une vie ailleurs, du moment que c'était loin de la Scandinavie. Mais il y avait trop longtemps qu'il ne portait sa fourrure, trop chaude pour les climats méditerranéens. Il n'était pas certaine d'être encore capable de se mouvoir avec elle sur le dos. Il se souvenait encore du poids que celle-ci représentait et qui, à l'époque, lui paraissait négligeable. L'armure était aussi encombrante et décidément peu agréable à porter.
Des coups frénétiques portés à la porte achevèrent son monologue intérieur. Quelqu'un s'efforçait d'attirer son attention. Toujours en silence, Yrian sortit de la chambre. Il entendit alors distinctement les paroles de l'individu qui cherchait à l'interpeler :
« Hé, Lykke, debout là-dedans, fainéant, on a b'soin de toi ! »
Le Scandinave reconnut la voix rauque d'un de ses compatriotes. Il avait oublié son nom, mais n'avait jamais osé l'avouer, c'est pourquoi il le désignait toujours par l'Ami. Vieillard édenté et vouté, l'Ami avait quitté sa patrie dans sa plus tendre jeunesse, il était bien plus jeune qu'Yrian à l'époque. Pourtant, il avait conservé l'accent rude des gens du Nord, si bien qu'à première vue, on aurait pu croire qu'il venait tout juste d'arriver. Du moins, c'était particulièrement vrai en pleine nuit, car la lumière révélait une peau des plus basanées, qu'il n'avait pas acquérir qu'au fil des longues années passées en ville. L'Ami était peu malin, mais réactif. Il tambourinait de toutes ses forces contre la porte.
« Hé, l'autre, viens un peu par là montrer tes vraies forces, face d'ours ! »
L'expression fit sourire Yrian. Qui, en effet, vous traiterait aujourd'hui de face d'ours, si ce n'est un exilé scandinave ayant passé toute sa vie à Athènes ? Le jeune homme s'avança et ouvrit grand la porte. Il s'écarta immédiatement pour éviter de recevoir un coup de poing de l'Ami. Ce dernier, déséquilibré, manqua de tomber, mais il réussit à se stabiliser. Pendant que l'Ami se débattait, Yrian eut l'occasion d'apercevoir le ciel rougeoyant. L'odeur était bien plus forte qu'à l'intérieur. Les cris de la population fusaient de tous les côtés. Impossible de définir un endroit exact pour l'incendie. Sur les nerfs, Yrian se tourna vers le pauvre homme :
« Dis-moi, l'ami, où le feu a-t-il pris ?
- Scrogneugneu ! … Tu disais ? Un feu... ? Ah oui ! T'as compris qu'y avait le feu, et t'as rien fait pour sauver les bonnes gens ? Salopard ! Le lit plutôt que le combat !
- Cela sent effectivement le brûlé chez moi, reconnut Yrian.
- Ben voyons, face d'ours ! Allez, zou, va me prouver que t'es un vrai héros ! Vas-y, vas sauver les gens !
- Et... où dois-je me rendre ?
- Sac à patates ! Mais au temple, pardi ! T'as les yeux en face des trous ? C'est d'là que vient toute c'te fumée, non mais j'te jure !
- Alors retourne te coucher, l'ami. Je m'en charge. »
Yrian referma la porte derrière lui, poussant l'Ami plus loin dans la foule. Le vieil homme s'éloigna en grognant vers sa maison. Yrian ne fut pas mécontent de s'être débarrassé de cet homme sénile. Et puisqu'il était debout, il avait autant aller porter secours aux pauvres riverains du temple, peu importe lequel, puisque cela semblait évident pour l'Ami. Le jeune homme se dit qu'il verrait bien sur place, puisqu'un incendie, cela ne se ratait pas. Il dut se heurter à quelques personnes en contre-sens. Lui se rendait au cœur de la catastrophe, dans le brasier originel, là où tout n'était que destruction et où sa chair avait la chance de rôtir, à moins qu'il ne fît manifester un courage légendaire et familial remonté du fond de ses entrailles, comme une sorte de feu secondaire qui tenterait d'imposer sa force au premier. Plus brûlant que le feu, plus fort que la mort, voilà bien des devises qu'Yrian aurait voulu porter. Mais celle de la famille Lykke, bien plus concise, n'était guère aussi impressionnante : Unique. Cela caractérisait bien Ráðúlfr, qui s'était entièrement construit dans cette figure singulière. Le seul, l'unique, celui qui va plus loin que les autres, le seul à pouvoir imposer sa marque dans l'histoire. Malgré lui, Yrian en avait hérité : il devait bien être le seul ancien guerrier Scandinave à se préoccuper un tant soit peu d'un incendie survenant dans les alentours de temples dont la plupart des divinités lui étaient indifférentes. Unique, parce qu'il avait besoin de se construire une unité sans son père.

Le voici devant les flammes crépitantes. Autour de lui, le peuple s'activait dans tous les sens, ramassant tous les récipients disponibles pour éteindre le feu. Mais Yrian, sans doute à cause de ses pensées héroïques, ne songeait pas à éteindre le feu. Il n'avait d'yeux que pour la masse claire sous les flammes : le temple, qu'il ne reconnaissait pas, mais d'où partait. Étrange néant de couleur blanche, qui se consume pour créer cette vie frénétique. Le jeune Scandinave se rappelait de quelques incendies auxquels il avait assisté. Certains avaient été volontaires, tandis que d'autres étaient le fruit d'un malencontreux hasard. Or, avant de vouloir calmer jeu, la première chose à faire était de savoir s'il y avait encore quelqu'un coincé dans les flammes. Manifestement, ces Athéniens, avec leurs misérables seaux, ne s'en souciaient pas. À moins que ce ne fût le temple d'un dieu peu adulé, ou de maigre valeur, ils devaient être persuadés que tout le monde était sauf. Yrian tenta d'interroger quelques uns d'entre eux à ce sujet, mais la plupart confessèrent leur ignorance ; quant aux autres, ils en étaient certains, mais n'en avaient aucune preuve. Yrian sut ce qu'il devait faire.
Il s'avança vers les flammes.
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Dorian Fabius.
Dorian Fabius
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« Car le feu qui me brûle est celui qui m’éclaire. » Vide
MessageSujet: Re: « Car le feu qui me brûle est celui qui m’éclaire. »   « Car le feu qui me brûle est celui qui m’éclaire. » EmptySam 3 Mar - 19:34

    La température de la ville était toujours changeante : tantôt il faisait un froid à vous glacer les os, tantôt il pleuvait des cordes, tantôt il faisait beau avec un soleil radieux ainsi qu’un ciel parsemé de quelques nuages blancs et tantôt il faisait chaud. Très chaud. Une chaleur suffocante qui vous embrumait plus l’esprit que n’importe quel feu ardent. Cette chaleur ôtait toute l’humidité de l’air et vous assoiffait aussi vite que l’éclair. Déshydratés, essoufflés, collant de sueur et de transpiration, la langue pendante comme les chiens à la recherche d’une source à laquelle s’abreuver. C’était ça, la vie à Athènes : une météo changeante. Dorian n’était pas dépaysé : à Rome, c’était souvent le même climat qu’à Athènes. Mais à Rome, malgré la vie qu’il avait mené, il avait le droit de boire et de s’humidifier le corps comme bon lui semblait. Ici, sous le toit de son maitre, allongé sur la maigre paillasse qui lui servait de couche, il devait attendre le feu vert pour s’hydrater. Il fixait avec lassitude le toit de la petite maison de Christos Anthony. Il ne pouvait pas bouger tant la chaleur était oppressante sur son corps. Ses muscles étaient tendus. Il ne supportait pas cette sensation. Comme si une main invisible se resserrait sur lui pour le porter vers les rayons du soleil. Il déglutit, mais n’avala aucune salive. Sa langue était sèche, bien trop sèche pour réussir à avoir les idées claires. Lentement, il ferma les yeux, essayant vainement de s’endormir, sachant pertinemment que le lendemain, le réveil se ferait aux aurores. Mais les gouttes de sueur qui coulait part tous les pores de sa peau et qui s’étalaient sur le sol bouillant dans un « ploc » l’obligea vite à renoncer de dormir. Il rouvrit les yeux vivement. Il rêvait d’une source fraiche dans laquelle il pourrait plonger, même s’il ne savait pas nager. Il se laisserait flotter sur l’eau, les bras et les jambes écartés et laisserait le courant l’emporter au loin vers des pays merveilleux aux températures acceptables par son corps. Mais ce ne serait qu’un rêve.

    Son maitre était-il encore sortit, le laissant encore seul fasse à ses cauchemars et cette chaleur contre lesquels il ne pouvait pas se battre ? Dorian se redressa, s’appuyant d’une main pour s’aider. Son regard dans le vague, il ne cessait de penser à l’athénien s’empiffrant, buvant du vin et de l’eau jusqu’à ce que son organisme finisse par tout rejeter. C’était d’un tel gâchis. Et il l’enviait tellement. Sa bouche était pâteuse et la pièce commença à tourner légèrement. Sa tête allait exploser. Il devrait sortir, loin, trouver un endroit frais, quelque chose, sinon il ne survivrait pas. Son ventre gargouilla. Il ne manquait plus que ça… Baissant la tête sur son torse, il porta une main à son ventre maigre et le massa délicatement. Il n’avait rien pu avaler avant d’aller se coucher, les provisions de Christos étant trop maigres pour être partagées. Dorian serait prêt à donner n’importe quoi pour avoir un tout petit fruit, un fruit bien juteux.

    Ses narines frémirent. Il redressa le menton et ouvrit grand ses oreilles, comme un animal aux aguets. Il tourna plusieurs fois la tête avant de garder ses yeux rivés sur la fenêtre. Une sorte de brouillard épais s’élevait dans le ciel bleu nuit. Un festin, à cette heure-ci ? Il ne connaissait pas vraiment les coutumes athéniennes néanmoins, cela restait spécial de dîner à cette heure-ci. Dorian ferma les yeux, souriant comme un enfant devant des sucreries. Cela sentait bel et bien le grillé… Le brûlé… Le cramé… Il rouvrit vivement les yeux avant de se lever en hâte, se penchant à sa fenêtre, la tête dehors pour observer d’où partait la fumée. Cette odeur… Cela n’avait rien d’une viande que l’on faisait griller et que l’on se partageait entre citoyens… C’était une odeur qui lui rappelait les feux que l’on allumait pour se réchauffer durant les longues journées d’hiver. Ce n’était pas tout… L’odeur de la viande était présente aussi, mais ce n’était pas de la viande animale qui grillait… Mais de la viande humaine. Dorian resta immobile un moment, les yeux toujours fixés sur la fumée qui ne cessait de s’intensifier.

    Ses jambes tremblaient et menaçaient de ne plus le soutenir. Une maison était en train de brûler, ses habitants avec. Il passa sa langue sèche sur ses lèvres gercées ; la fumée, l’odeur de brûlé, l’idée même que des gens étaient en train de flamber lui faisait davantage penser qu’il avait soif. Cette soif qui le tenait et qui ne voulait pas le lâcher. Il ne pouvait pas bouger. Il n’en avait pas le droit, surtout. Sortir pour aider… Aider à quoi ? Il n’avait pas de force, il n’avait ni bu ni mangé, il ne servirait strictement à rien. Il tapota le rebord de la fenêtre, impatient et partagé entre l’envie d’aider et l’égoïsme de rester là à ne rien faire et d’attendre que Christos l’autorise à boire.

    Mais les cris des habitants d’Athènes transpercèrent le ciel comme l’éclair de Jupiter. Il ferma les yeux et se laissa glisser contre le mur le plus proche, se recroquevillant, les mains plaquées sur ses oreilles pour ne plus rien entendre.

    Il n’avait rien d’un héros, après tout.
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Daphné Philippine.
Daphné Philippine
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MessageSujet: Re: « Car le feu qui me brûle est celui qui m’éclaire. »   « Car le feu qui me brûle est celui qui m’éclaire. » EmptyDim 11 Mar - 9:06


L'odeur de ce feu crépitant à travers la cité ne la quittait plus et ne la quitterait pas pendant plusieurs jours, elle mais aussi ses vêtements. Daphné savait qu'elle ne réussirait pas à cacher son escapade à son aîné... Mais elle n'en avait cure. Après tout, des gens avaient besoin d'aide ici et c'était comme ça qu'elle se sentait vivante : en étant utile aux autres. La jeune femme avait passé son enfance et sa jeunesse à chercher un sens à sa vie et peut-être qu'aujourd'hui, au milieu de ces flammes et de ce drame sans nom, elle commençait à toucher du doigt ce qui pouvait s'avérer être son unique destin... Elle se sentait plus vivante que jamais, l'adrénaline se mêlant à son fluide vital la faisait se sentir enfin elle, enfin la Daphné dont elle était en quête depuis de longues saisons... La Daphné qu'Orion risquait de ne pas accepter. Tant pis, elle lui ferait apprendre et aimer ce qu'elle était vraiment tout comme elle aimait la rudesse de son frère, son esprit bien trop protecteur et son caractère digne des hommes les plus bornés de ce monde. Elle revint soudain à elle quand elle entendit son nom de la bouche d'où sortait une voix qu'elle ne connaissait que trop bien... « Néoptolème ? » Elle sentit un frisson la parcourir et le retour à la réalité n'en fut que plus brutal : ses rêveries furent instantanément coupées dans leur élan et elle dut se rendre à l'évidence, elle n'était qu'une frêle athénienne hors de son lit la nuit se jetant corps et âme dans un danger qui la dépassait de trop...

Elle essaya de reprendre consistance, de redonner un coup de fouet à tout son corps, implorant les dieux de lui venir en aide pour qu'elle puisse à son tour leur rendre cet aide en portant assistance à tous les hommes de la place. Daphné se retourna vers la source d'eau, remplit à nouveau son récipient vidé par l'impact contre le frère de son amie - qu'elle ne voyait heureusement pas à ses côtés - et se tourna vers lui. « Il faut les aider Néo, il ne faut pas laisser le temple brûler. N'essaie pas, comme Orion, de me dire que ce n'est pas ma place : nous n'en avons malheureusement pas le temps. Aide-moi s'il te plait. » Elle lui mit la poterie pleine d'eau dans les bras et partit en quête d'un autre pot, les yeux emplis de larmes à cause de la fumée, la vision brouillée. Elle ne voulait pas perdre son ami de vue, sa présence était une sorte de réconfort, elle la rassurait. Soudain, elle fit volteface, blême. « Ce n'est pas le temple de Daphnê, n'est-ce pas ? » Sa voix tremblait. Techniquement, Daphnê n'avait rien à faire dans ce temple, ce n'était pas sa place. Mais pourquoi Néoptolème se trouvait-il ici ? Et s'il était venu pour porter secours à sa soeur ? Elle sentait son coeur palpiter violemment dans sa poitrine, il cognait fort contre sa peau, comme s'il essayait de s'extraire du corps de la jeune athénienne. Daphné se sentait désormais tiraillée par la peur et plus rien d'héroïque ne semblait s'attarder dans son esprit. Elle pouvait sentir dans cet odeur persistante des effluves de viandes... Ou alors son esprit voulait-il le lui faire croire ? C'était plus que ce qu'elle ne pouvait supporter, c'était bien trop. Elle voulait se croire forte mais peut-être qu'elle ne l'était pas et ne le serait tout simplement jamais. Peut-être Orion avait-il raison en lui rappelant sans cesse qu'elle était sa place...

Daphné lança alors un regard horrifiée vers la source des flammes mais elle ne voyait pas grand chose... Elle pouvait distinguer des formes floues se mouver pour éteindre le feu, elle pouvait voir des formes courant affolées dans leur direction... Et elle vit une forme se glisser vers la source des flammes. Elle retint un cri. Elle ne sut que faire, tiraillée de toute part par sa conscience, son instinct aussi. Elle finit par se retourner vers Néo qui tenait encore la poterie entre ses mains, sans bouger. Elle ne comprenait pas : était-il lui aussi paralysé par la peur ? Elle décida qu'ils devaient faire quelque chose eux aussi, elle décida de lutter contre sa peur pour porter secours à ceux qui en avaient besoin : si des personnes tentaient de pénétrer dans le temple, c'était bien parce qu'il y avait des personnes coincées à l'intérieur, non ? « Il faut y aller ! » dit-elle en attrapant son ami par le bras. Mais il ne bougea pas...


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Néoptolème Maxence.
Néoptolème Maxence
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MessageSujet: Re: « Car le feu qui me brûle est celui qui m’éclaire. »   « Car le feu qui me brûle est celui qui m’éclaire. » EmptyLun 2 Avr - 19:10

La jeune fille face à lui semble très perturbée. Néoptolème s'inquiète un peu. Se peut-il que l'incendie la rende dans cet état ? Il n'y a, au fond, rien à craindre, et certainement pas pour quelqu'un comme lui. Il est presque amorphe, enclin à bouillir de sa colère intérieure, incapable de compatir pour la cité. La blessure ouverte, hurlante, et tous ces cris, Néoptolème les a déjà ressentis - autrefois. Autrefois, il a été confronté à la pire horreur. Qu'est-ce qu'un incendie ? A peine plus qu'une gaufrette. Il aborde le problème avec légèreté et désinvolture, parce qu'il ne se sent absolument pas concerné. Daphné prononce son nom ; elle frissonne lui reste de marbre. Il n'a pas la même sensibilité qu'elle. Aider ces gens ne l'intéresse pas. Il est là en simple spectateur, errant, portant en lui, l'innocent pur, le germe de la pure monstruosité. Ne pas agir, rester dans son état végétatif, lui convient très bien. La graine pousse en lui, enfonce ses douloureuses racines au plus profond de ses muscles. Ses nerfs sont tiraillés, il se sent plus endormi que la terre hivernale. Remarque-t-il en lui l'horrible progression ? Il sent bien que quelque chose le travaille, mais cela s'arrête là. Il n'a aucune idée de l'ampleur de cette chose affreuse qui gonfle en lui, il croit encore qu'il est trop victime pour devenir coupable - sans se rendre compte que, s'il ne sauvait personne, il se rendrait déjà coupable du même crime que celui qu'il reprochait à la cité.
    « Je n'en ai rien à faire, de tous ces gens. Ce n'est pas ma cité. »
Néoptolème réalise quelque chose d'impensable : il s'individualise. Il ne se considère plus comme un être-citoyen, qui ne vit que parce qu'il est membre d'un tout. Non, une fracture s'est opérée, fracture si grande qu'il ne pense plus dans son temps. L'erreur est si grande, si monstrueuse. Néoptolème s'enfonce dans l'anachronisme et la folie. Il tient entre ses mains la poterie que Daphné lui a courageusement remis entre les mains, la suit très lentement, plus dans l'optique de la surveiller pour Orion que de mettre la main à la pâte. Avec lenteur, il la voit se retourner, et tout va bien jusqu'au moment où il entend les mots « temple de Daphnê ». Son cœur loupe un battement. Puis le rythme, un instant cassé, repart comme si de rien n'était, à plus belle allure même. La chaleur lui paraît tout à coup suffocante. Daphnê... si elle est là, même si elle serait infiniment mieux morte, et lui avec, il ne peut pas rester là sans rien faire. Il prend mesure de la grande culpabilité qui lui serait tombé dessus, s'il n'avait pas réagi. Il regarda la jeune femme avec un air étrange. Doux, reconnaissant - et amer et dur en même temps. Comment ne pas l'aimer pour lui rappeler qu'il doit protéger ceux qu'il aime, comment ne pas la détester de nourrir une pensée aussi sombre et détestable ? Elle agrippe son bras ; mais Néoptolème, horrifié par la pensée de Daphnê brûlant, horrifié même par la pensée de sa folle inaction, ne bouge pas. Sa poterie est pleine d'eau, il pourrait bouger - mais non. La forme sombre d'Yrian se profile à l'horizon, mais il ne fait pas d'efforts pour le saluer. Il s'est déconnecté de la réalité.
Puis, il revient à lui, se secoue la tête, comme si cela pouvait chasser ses idées noires. Il fixe Daphné et annonce :
    « Un instant, s'il te plaît. J'aperçois un ami que je peux convaincre. »
Yrian est là, tout proche ; Néoptolème lui dit bonjour avec sobriété. Le jeune homme n'a pas changé ; il incarne toujours la même chose aux yeux de l'Athénien. Son respect, en ce soir, ne fait que grandir. Il lui explique brièvement la situation. Son angoisse a monté ; il sent qu'elle peut faire des ravages. Il lui revient de se contrôler, d'être prêt à sauver sa sœur. Il regarde Yrian droit dans les yeux, et lui demande :
    « Alors, tu veux bien nous aider ? »
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Diane Aphrodite.
Diane Aphrodite
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MessageSujet: Re: « Car le feu qui me brûle est celui qui m’éclaire. »   « Car le feu qui me brûle est celui qui m’éclaire. » EmptyJeu 5 Avr - 16:04

Ma demeure était plutôt proche de la place des temples. Et cependant j’habitais loin, trop loin pour sentir l’odeur âcre de la fumée planer jusqu’à mes narines. Ou bien était-ce mon sommeil trop profond qui m’ôtait toute faculté de discerner le danger environnant ? Allongée sur ma couche, presque nue en raison d’une soirée étouffante, je m’étais endormie rapidement, comme assommée par la température, moi qui pourtant avais l’habitude du climat d’Athènes. Mais la fatigue eut rapidement raison de moi, et je ne m’étais pas vue sombrer. Emportée dans l’abîme des songes, les sourcils froncés et perdue dans un rêve, je me débattais avec ma conscience, tâchant de me réveiller. Je détestais la vision que m’envoyaient les dieux. Laquelle, me demanderez-vous ? Une vision de cauchemar … La nature était morte. Le monde n’était plus qu’une vaste bouillie, eau et terre mêlées jusqu’à ne plus obtenir qu’une image grisonnante. Aucune vie ne pouvait espérer exister dans un enfer pareil. Même Hadès n’en aurait pas voulu. Et cependant, j’entendais des cris. Des voix de femmes, d’hommes et d’enfants, jusqu’à des aboiements de chiens affolés. Je tournoyais sur moi-même, cherchant à percer l’origine de ces sons diffus qui me parvenaient de partout et de nulle part, tandis que mes yeux demeuraient aveugles. Terrorisée par cette cécité subite, je poussai un hurlement au moment même où une paume gelée saisissait mon bras.
Mes paupières s’ouvrirent, et face à moi l’une de mes servantes, craintive et effrayée de m’avoir entendu crier de la sorte, reculait. Il ne me fallut que quelques secondes avant de saisir… J’avais fait un cauchemar et j’avais probablement réveillé la jeune fille qui avait cru bon de me faire revenir dans le monde réel. Ce qui était finalement une bonne chose. Dans un soupir, je passai une main sur mes yeux, inspirant profondément avant de me sentir tousser.


« Qu’est-ce que … cette odeur ? »
« Je suis navrée d’avoir du vous réveiller… Mais c’est l’incendie ! »
« Quoi ?! »

Parfaitement réveillée à présent, je me redressai, tournant aussitôt la tête vers l’arcade de ma chambre entrouverte. De la fumée s’y agglutinai, péniblement chassée par l’air trop lourd de la nuit.

« Est-ce que la villa.. ? »

Sélicia se tordit les mains, apparemment saisie d’inquiétude.

« La place des temples… La rumeur est en train de se répandre que l’on y aurait mis le feu… »

Une sueur froide coula dans mon dos, tandis que je demeurai figée pendant un instant. Non… Le cauchemar venait de prendre fin pour moi, je n’allais pas le laisser recommencer. D’autant plus que, si cette rumeur s’avérait exacte, personne ne pourrait cette fois m’accuser d’acte impie à l’égard de nos dieux. Reprenant mon aplomb, je me redressai et dictai mes ordres d’une voix ferme :

« Réveille tous les esclaves hommes de la maison. Ils vont m’accompagner et prêteront main-forte. Dépêche-toi ! »

Il ne serait pas question de protocole dans les prochaines heures. Ce fut pourquoi je n’attachai pas soigneusement mes cheveux, me passai de péplos et, par-dessus tout, me contentai d’enfiler une simple tunique. M’habiller en plein jour ainsi m’aurait paru blasphématoire, mais je n’avais pas le temps pour la coquetterie ni pour le respect des règles. Une seule pensée m’obsédait : que le temple d’Athéna, celui d’Artémis et celui d’Aphrodite aient été épargnés. Lorsque je gagnai le seuil, toute la maisonnée bourdonnait d’effervescence, et quatre de mes esclaves m’attendaient. Je les précédai, marchant aussi vite que possible sans pour autant courir dans la tornade de cheveux blonds qui encadrait mon visage. Le souffle court, me protégeant tant bien que mal de la fumée de mon bras contre mes lèvres, je toussais parfois à m’en faire mal, soutenue par Héridios. Il ne nous fallut pas longtemps avant de déboucher sur la place, et le spectacle me figea d’horreur. Bouche bée, j’observais les flammes grimpantes, s’élever au-dessus de nous autres, simples mortels. Hypnotisée par les flammes, je ne pus m’empêcher de me demander en qualité de prêtresse s’il s’agissait d’un présage mortel pour la cité, bien calme ces temps-ci.

« Que Zeus nous vienne en aide … Quel temple.. ? »
« Celui de Déméter… »

J’avais murmuré, assez fort néanmoins pour qu’ils l’entendent. La façade m’en était si familière que je ne pouvais pas me tromper, j’en étais certaine. Peut-être d’autres étaient-ils touchés… Je priai pour que celui-ci soit notre seule préoccupation. Déméter … Les ravages du feu nous annonçaient-ils une famine proche ? Mon cœur n’en battit que plus violemment, mais je me devais de reprendre mes esprits :

« Faites-moi honneur, et ne vous accordez pas de répit avant que le temple ne soit sauf ! »

Aucun ne discuta mon commandement, et je les observai courir pour apporter leur aide à mes concitoyens. Impuissante, le bout des doigts tremblants, une nouvelle quinte de toux me saisit, et je dus tourner le dos à ces ravages, essuyant les larmes que la suie faisait naître au coin de mes yeux. Peinant à respirer convenablement, je m’éloignai un instant pour reprendre mon souffle et libérer mes poumons. Ce fut ainsi qu’au coin d’une rue, je me retrouvai face à la demeure de Christos Anthony. Et au coin d’une arcade, un visage… Brièvement, avant qu’il ne disparaisse…

*Dorian…*

Mais que faisait-il ici ? Moi qui avais commencé à l’instruire sur les dieux et notre religion, ce n’était pas pour le voir en retrait, sans se battre pour défendre notre patrimoine, notre richesse. Et où était donc son propriétaire pour lui ordonner de se joindre à la tentative collective de sauver le temple ? Je bondis vers l’entrée de la demeure, aussitôt arrêtée par un esclave. Sans appel, je déclarai :

« Je suis la prêtresse Diane Aphrodite, et je souhaiterais voir Christos Anthony. »
« Notre maître est absent… Nous ignorons où il se trouve et s’il est au courant de … »
« Alors dans ce cas, demande à son esclave Dorian de me rejoindre ici-même et maintenant ! »
« C’est qu’il n’a pas le droit de sor… »
« Je prendrai toutes mes responsabilités. Au nom des dieux, je te l’ordonne. »

Hésitant, il finit par obtempérer et disparut au sein de la villa. Mes yeux se reposèrent sur l’arcade, mais Dorian n’y reparut pas. En rage, mes ongles torturant les paumes de mes mains, je ne parvenais pas à croire qu’un homme dans la cité ait osé mettre le feu à l’un de nos sanctuaires. Et cette fois… Il n’y aurait pas de pardon. Jamais.
D’autant plus si je parvenais à prouver que le coupable était le même que celui qui avait gâché la cérémonie des Panathénées…
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Dorian Fabius.
Dorian Fabius
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MessageSujet: Re: « Car le feu qui me brûle est celui qui m’éclaire. »   « Car le feu qui me brûle est celui qui m’éclaire. » EmptyJeu 5 Avr - 23:53

    La tête entre ses mains, accroupit et recroquevillé contre le mur froid, il se sentit apaisé. D'un coup, c'est comme si la ville avait disparu. Il ne restait plus que lui, Dorian Fabius l'esclave romain, et le mur froid contre son dos trempé de sueur. Mais un invité s'imposait entre eux ; l'odeur de brûlé. Il enfouit sa tête dans ses genoux, essayant de se cacher de cette horrible odeur. Mais rien y faisait. Elle imprégnait les murs, les tissus, sa peau. Et ces cris. Qu'ils se taisent. Qu'ils se taisent tous. Il n'en avait rien à faire. Taisez-vous. Taisez-vous et mourrez. Vous êtes purifiés. Taisez-vous. Si vous saviez comme vous êtes chanceux... Si vous saviez. Dorian se mordit le poing. Ce n'était pas un héros. Ce n'était pas... Ce n'était... Il n'était rien. Rien du tout. L'esclave. Le romain. Le déchu. Rien. Alors que son poing s'enfonçait dans sa chair, laissant les marques de ses dents se creusaient, rougissant sa peau, les larmes se mirent à couleur. Il n'était bon à rien. Même les cris des citoyens apeurés, déchirés le laissaient de glace. Etait-il devenu aussi froid que Christos, aussi froid que tous ces hommes sans scrupules d'Athènes ? Si peu altruiste ? La valeur d'une vie humaine importait si peu à ses yeux désormais ? Ils avaient gagné. Ils avaient tous gagné. Ils l'avaient brisé. L'homme n'était plus. Il ne restait qu'un monstre d'égoïsme sous cette carapace d'épiderme. Dorian aurait voulu s'arracher la peau, pour voir s'il restait bien du sang, du sang d'un rouge vif. S'il restait quelque chose d'humain en lui. Ses ongles râpaient la peau de ses genoux alors qu'il retirait son poing de sa bouche, un filé de bave coulant sur son menton.

    Le bruit le fit sursauter. On avait toqué chez Christos Anthony. Qui pourrait venir le voir à cette heure-ci ? Qui pouvait venir le voir tout court ? Ce n'est pas comme si on se ruait chez lui pour lui rendre visite. Ce n'est pas comme si des gens appréciaient réellement sa compagnie. Quoi que, vue l'heure tardive, il se pourrait bien que ce soit lui qui rentre, ou bien une jeune femme trop saoule qui venait le voir pour passer la nuit sur sa couche. Il se remit dans sa position initiale, la tête posée sur ses genoux, lorsque l'on vint le chercher :

    " - Lève-toi, tu es demandé. " .

    " - Qu-quoi ? ".

    " - Tu es sourd ?! Lève-toi Dorian ! ".


    L'homme l'agrippa par le bras, le hissant, le tirant en avant pour se lever et marcher jusqu'à l'entrée. Un autre homme l'attendait devant le porte. Dorian écarquilla les yeux. C'en était finit de lui. On l'emmenait pour le torturer ou bien le tuer, ou bien les deux, ou alors pire. S'il y avait pire que la torture et la mort. Un frisson lui parcourut l'échine. Mais derrière l'homme se trouvait une silhouette qu'il connaissait bien. De longs cheveux blonds ondulés. Elle s'avança vers la lumière. Oui, c'était bien elle. La Prêtresse Diane Aphrodite. Dorian déglutit et se prosterna presque à ses pieds :

    " - Je... Pardon, je ne savais pas que c'était vous qui... Qui étiez là... Je... Mon maitre n'est pas là et j'en suis navré... Je... Je peux vous être utile ? ".

    Une goutte de sueur glissa le long de son dos. Il savait pertinemment pourquoi Diane était ici. Par tous les Dieux... Il s'était engagé. Chaque acte a ses conséquences. Faites qu'elle ne lui demande pas ça. Tout mais pas ça. Pas ça... Il ne voulait qu'une chose : que tout cela cesse pour qu'il puisse s'endormir sur sa couche, rêvant d'un autre monde, où il n'y avait ni temple en feu, ni cris de terreur, ni Prêtresse pour implorer une aide supplémentaire.
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